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Nicolas Sarkozy dormira derrière les barreaux, mardi 21 octobre. L’ancien chef de l’Etat (2007-2012) est arrivé en milieu de matinée à la prison de la Santé, à Paris, autour de laquelle un important dispositif de sécurité a été déployé, pour y être incarcéré, près d’un mois après sa condamnation pour association de malfaiteurs dans l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. C’est la première fois qu’un ex-président de la République est emprisonné.
A l’appel de sa famille, quelques dizaines de personnes se sont réunies mardi matin près du domicile de Nicolas Sarkozy, dans le 16ᵉ arrondissement de Paris, pour lui signifier leur soutien, rassemblement suivi par une noria de caméras et de photographes.
Nicolas Sarkozy est sorti de son domicile, à pied, en compagnie de sa femme Carla Bruni, sous les applaudissements des personnes rassemblées qui avaient, quelques minutes auparavant, entonné La Marseillaise. L’ancien président est venu saluer la foule mais n’a pas adressé un mot aux personnes présentes, ni aux journalistes. Il s’est ensuite engouffré dans une voiture, qui l’a mené à la prison de la Santé, dans le 14e arrondissement.
« La vérité triomphera », dit Nicolas Sarkozy
M. Sarkozy a en revanche posté un message sur ses réseaux sociaux, publié tandis qu’il était en route vers la prison. « Au moment où je m’apprête à franchir les murs de prison de la Santé, mes pensées vont vers les Français et Françaises (…) Je veux leur dire avec la force inébranlable qui est la mienne que ce n’est pas un ancien président de la République que l’on enferme ce matin c’est un innocent. Je continuerai à dénoncer ce scandale judiciaire, ce chemin de croix que je subis depuis plus de dix ans », a-t-il écrit, avant d’ajouter « la vérité triomphera », mais le « prix à payer aura été écrasant ».
Ses deux avocats ont pris la parole, juste après son arrivée officielle à la prison, un peu avant 10 heures. « C’est un jour funeste pour lui, pour la France, pour nos institutions, car cette incarcération est une honte », a dit Me Jean-Michel Darrois. Me Christophe Ingrain a annoncé qu’une demande de mise en liberté avait été immédiatement déposée. La justice aura deux mois pour trancher, même si elle devrait rendre sa décision rapidement. « Notre tâche c’est de le faire sortir de détention le plus tôt possible », a ajouté Me Ingrain.
De son côté, Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse conjointe avec le premier ministre slovène, Robert Golob, est revenu, à la mi-journée, sur cette arrivée sur prison. « Il ne m’appartient pas de commenter, ni de critiquer les décisions de la justice, je suis le garant du bon fonctionnement de nos institutions (…) y compris quand cela touche un ancien président de la République », dit-il. « Il faut distinguer l’émotion légitime [de proches, d’une partie du pays] » et « le bon fonctionnement de la justice ». Sur la question spécifique de l’exécution provisoire, le chef de l’Etat estime qu’il s’agit « d’un débat légitime », mais c’est débat qui « doit être mené dans le calme et indépendamment des cas spécifiques », assure-t-il.
Le 25 septembre, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné l’ancien président à cinq ans de prison. Il a été reconnu coupable d’avoir, en toute connaissance de cause, laissé ses collaborateurs Claude Guéant et Brice Hortefeux rencontrer à Tripoli un dignitaire du régime de Mouammar Kadhafi pour discuter d’un financement occulte de sa campagne présidentielle de 2007. L’ancien chef de l’Etat a fait appel.
« Injustice »
Ancienne figure tutélaire de la droite française, toujours régulièrement consulté par ses chefs, Nicolas Sarkozy a reçu le soutien de nombreux représentants de son camp, prompts à s’offusquer du mandat de dépôt dont il a fait l’objet.
Prononcé de manière routinière par les tribunaux correctionnels, ce mandat est jugé par les soutiens de l’ancien chef de l’Etat attentatoire à la présomption d’innocence, puisqu’il entraîne une détention et sans attendre le procès en appel. Les juges le justifient par la « gravité exceptionnelle » de faits « de nature à altérer la confiance des citoyens dans ceux qui les représentent et sont censés agir dans le sens de l’intérêt général ».
Nicolas Sarkozy avait fustigé une « injustice » et la « haine » dont le poursuivraient certains magistrats. Il a aussi osé se comparer à Alfred Dreyfus, l’officier envoyé sur l’île du Diable pour trahison sur la foi d’un faux document et sur fond d’antisémitisme débridé.
Nicolas Sarkozy avait par ailleurs été définitivement condamné, en décembre 2024, à un an de prison ferme sous bracelet dans une autre affaire, celle des écoutes. Il avait bénéficié d’une libération conditionnelle avant la moitié de sa peine, en raison de son âge.










20 commentaires
La presse et les caméras étaient en nombre pour suivre le départ de Sarkozy. Les médias aiment-ils trop les drames politiques?
La justice doit être la même pour tous, y compris pour les anciens dirigeants.
C’est leur rôle de couvrir les événements marquants, même s’ils peuvent sembler voyeuristes parfois.
Nicolas Sarkozy n’a rien dit avant d’entrer en prison. Que cachent ce silence et cette discrétion inhabituelle?
Peut-être préfère-t-il garder ses forces pour un éventuel recours ou une réflexion sur son avenir.
C’est une première dans l’histoire de la Ve République : un ancien président emprisonné. Quelle ironie pour quelqu’un qui a tant parlé de la sécurité.
La justice doit être la même pour tous, y compris pour les anciens dirigeants.
Est-ce que cette condamnation marquera vraiment un tournant dans la lutte contre la corruption?
La prison de la Santé est un lieu chargé d’histoire. Pour Sarkozy, ce sera une expérience radicale et humiliante.
Toute personne condamnée devrait subir la même sanction, quel que soit son statut social.
La justice française a enfin rendu son verdict. N’est-il pas temps de passer à autre chose et de se concentrer sur l’avenir?
On ne peut pas ignorer l’histoire, mais il est vrai que certaines affaires traînent trop longtemps.
Quelques dizaines de personnes seulement sont venues soutenir Sarkozy. Est-ce un manque de popularité ou une forme de désapprobation?
Ou peut-être que beaucoup ont déjà tourné la page de son discours politique.
Comment Carla Bruni vit-elle cette situation? Pas un mot d’elle non plus, ce qui en dit long sur la gravité de la situation.
Elle doit être bouleversée, mais les apparences doivent être sauvegardées dans de tels moments.
Est-ce que cette condamnation va enfin apaiser les tensions et les débats autour de cette affaire?
Probablement pas, car les divisions politiques sont trop profondes pour être résolues par une seule décision.
Une décision historique, mais combien symbolique. La prison peut-elle vraiment effacer les doutes et les scandales politiques?
La prison est avant tout une sanction, pas une réhabilitation, mais c’est un début.