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Depuis des années, c’est le même refrain : les sciences sociales seraient inaudibles. Leurs travaux seraient trop proches du « bon sens » pour être crédibles, leurs résultats perçus comme partisans, et leur parole éclipsée par celle des dirigeants, des consultants ou des responsables politiques. Bref, les chercheurs parleraient dans le vide.
Pourtant, nos travaux récents renversent ce diagnostic. Les résultats sont clairs : contrairement à cette idée reçue, le public ne se détourne pas des sciences sociales : il leur accorde même sa confiance et souhaite les lire, mais seulement lorsque les universitaires parlent de ce qu’ils connaissent et s’affichent comme chercheurs. En revanche, dès qu’ils s’aventurent hors de leur domaine ou endossent en même temps la casquette de praticien, la confiance s’érode.
Cette conclusion s’appuie sur un protocole solide : un échantillon représentatif de 1 080 Français a lu plusieurs versions d’une même tribune de presse, dans lesquelles l’identité et le profil de l’auteur étaient systématiquement modifiés. Les lecteurs ont ensuite évalué l’expertise et la légitimité de l’auteur, et indiqué s’ils voulaient lire la suite de la tribune, notamment en payant l’accès via un paywall : un véritable indicateur de comportement. Répliquée dans d’autres pays européens, l’expérience donne partout le même résultat : les universitaires bénéficient d’une solide crédibilité, mais cet avantage disparaît dès qu’ils sortent de leur champ en s’exprimant à propos de sujets dont ils ne sont pas spécialistes ou brouillent leur rôle en se présentant aussi comme praticiens.
Principale voie de valorisation
Ce constat réfute l’explication classique du supposé déficit d’audience des sciences sociales. Jusqu’ici, trois hypothèses dominaient : un déficit d’expertise perçu par rapport aux sciences exactes, qui ferait apparaître leurs résultats de recherche comme des opinions ; une méfiance liée aux débats sur la reproductibilité et aux accusations de biais idéologique ; et la concurrence d’acteurs de terrain, dont la parole semblerait plus légitime dans l’espace médiatique. Nos résultats montrent que ces obstacles ne condamnent pas les sciences sociales à l’invisibilité. Le public fait confiance aux universitaires, mais il évalue la légitimité de leur parole en fonction de l’adéquation entre leur discipline et le sujet traité.
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8 commentaires
Intéressant! Je m’étais toujours figuré que les sciences sociales ne captivaient plus grand monde. Quelle surprise de découvrir qu’elles gardent une crédibilité à condition de rester dans leur domaine.
Exactement, ça remet les choses en perspective.
Cette étude me fait penser à l’importance de la transparence dans la communication scientifique. Les lecteurs ont besoin de savoir d’où vient l’information.
Absolument, la clarté est essentielle pour éviter les doutes.
Les sciences sociales ont vraiment mauvaise presse, mais ces résultats montrent qu’il y a de l’espoir. Dommage que la méfiance soit si forte dès qu’ils sortent de leur cadre.
C’est un équilibre délicat à trouver, effectivement.
Donc si je comprends bien, les chercheurs doivent éviter de mélanger leur rôle académique avec d’autres fonctions sous peine de perdre en impact.
Oui, la spécialisation semble être la clé pour maintenir la confiance du public.