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Pour garantir l’égalité entre cohéritiers, le code civil (article 843) impose que ces derniers « rapportent » à la succession (en vue d’un partage) les « libéralités » (donations directes ou indirectes) que le défunt leur aurait consenties.
Le fils d’une famille aisée, nourri, logé et blanchi pendant quarante années, durant lesquelles il n’a pas travaillé, doit-il rapporter à la succession le montant des largesses dont il a profité ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.
En 2016, lorsque s’ouvre la succession de Mme X, la fille de celle-ci, A, demande que son frère, B, rapporte les avantages indirects dont il aurait bénéficié, depuis 1976, date de son 21e anniversaire.
Elle vise la mise à sa disposition d’un appartement dans l’hôtel particulier parisien de leur famille, où elle-même a payé un loyer, puis d’une maison dans l’Oise, mais aussi la prise en charge de ses dépenses courantes, à hauteur, selon elle, du smic.
B conteste avoir été entretenu par ses parents. Il affirme que les logements lui ont été prêtés par eux et sa grand-mère, en contrepartie de services qu’il leur a rendus. Il rappelle que les « frais d’entretien » versés au titre de l’obligation alimentaire (article 205 du code civil) ne sont pas rapportables (article 852), « sauf volonté contraire du disposant », dont sa sœur ne fait pas état.
Un million d’euros
Il précise qu’il n’en a bénéficié que de « 1976 à 2000 », date à laquelle, grâce à la vente de l’hôtel particulier, il a reçu – comme sa sœur – une donation notariée de 862 000 euros, qui, placée, lui a permis de subvenir à ses besoins.
Néanmoins, les magistrats du fond (Senlis, puis Amiens) le condamnent à rapporter près de 1 million d’euros, dont 171 925 euros pour les frais d’entretien de 1976 à 2000, soit 24 euros par jour, après avoir jugé qu’il ne prouve ni l’existence des prêts, ni celle de leur contrepartie, son assistance n’étant pas allée « au-delà de ce qu’exige la piété familiale ».
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8 commentaires
Quel que soit le verdict, cette affaire pourrait inciter à des discussions plus transparentes entre parents et enfants concernant l’héritage.
Absolument, la prévention est souvent la meilleure solution pour éviter ces conflits.
Si les enfants ne paient pas de loyer ni ne contribuent financièrement, est-ce vraiment une libéralité ou une aide familiale normale ?
Cela dépend de la situation et des accords familiaux, mais la loi semble trancher en faveur des autres héritiers.
Cette question soulève des enjeux importants en matière de justice successorale. Les libéralités indirectes devraient-elles être incluses dans le calcul des parts successorales ?
Les tribunaux devront peut-être préciser la définition de ces avantages pour éviter les abus.
C’est un sujet complexe, où l’équilibre entre gratitude et équité familiale est crucial.
Une curiosité : ces règles s’appliquent-elles de la même manière aux successions internationalement transmises ?