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La commission des requêtes de la Cour de justice de la République a classé sans suite la plainte d’un collectif d’avocats contre le ministre de la justice, Gérald Darmanin, pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il avait rendu visite en prison.
La commission des requêtes a d’abord déclaré cette plainte irrecevable « pour 28 des 29 plaignants en raison d’une irrégularité de forme », précise, jeudi 4 décembre, un communiqué du ministère public près la Cour de justice de la République (CJR). Cette commission a par ailleurs classé « cette plainte sans suite » au motif « que le dernier plaignant n’alléguait pas avoir été lésé par les faits dénoncés ».
« La Cour n’a pas fait une lecture attentive de la plainte, puisque nous exposions que les avocats, en leur qualité d’auxiliaires de justice, étaient aussi garants de l’indépendance de la justice », a commenté Me Jérôme Karsenti, qui portait cette plainte – celui que la commission désigne par le terme « dernier plaignant ».
Cette décision de la commission des requêtes, composée de trois magistrats du siège de la Cour de cassation, de deux conseillers d’Etat et de deux conseillers maîtres à la Cour des comptes, « n’est susceptible d’aucun recours », conclut le communiqué.
Un collectif d’avocats avait déposé une plainte le 31 octobre auprès de la CJR visant Gérald Darmanin pour un soutien implicite à Nicolas Sarkozy, de « nature à compromettre l’impartialité et l’objectivité » du rôle de ministre de la justice.
« Tristesse »
En confiant sa « tristesse » dans les médias à la suite de la condamnation dans le dossier « libyen » de M. Sarkozy, un de ses mentors en politique, et en lui rendant effectivement visite en prison, M. Darmanin a « nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d’administration », stipulait cette plainte.
Condamné le 25 septembre à cinq ans d’emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l’ancien président de la République a été écroué le 21 octobre, puis libéré de prison le 10 novembre et placé sous contrôle judiciaire.
Après sa condamnation, M. Sarkozy avait aussitôt fait appel et sera jugé à nouveau du 16 mars au 3 juin par la cour d’appel de Paris. Le tribunal correctionnel de Paris l’avait reconnu coupable d’avoir sciemment laissé ses collaborateurs démarcher la Libye du dictateur Mouammar Kadhafi pour solliciter un financement occulte de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007.
Dans le cadre de son contrôle judiciaire, il est interdit à Nicolas Sarkozy d’entrer en contact avec Gérald Darmanin, « afin d’éviter un risque d’obstacle à la sérénité des débats et d’atteinte à l’indépendance des magistrats », avait précisé la cour d’appel de Paris le 10 novembre.
Ce « contrôle judiciaire rigoureux lui interdisant de rencontrer le garde des sceaux » a validé « implicitement l’infraction de prise illégale d’intérêts que nous avons visée dans notre plainte », analyse jeudi Me Karsenti. Juridiquement, ce collectif d’avocats avait porté plainte contre M. Darmanin pour « prise illégale d’intérêts », par le biais d’une jurisprudence considérant que « l’intérêt » peut « être moral et plus précisément amical ».
La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et à juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions.











10 commentaires
La plainte a été jugée irrecevable pour des motifs de forme, mais c’est surtout le fond qui pose question.
Est-ce que cette décision va avoir un impact sur la perception de l’indépendance de la justice par le public ?
Les critiques portent surtout sur les motifs tirés par les cheveux. La justice a-t-elle peur de s’attaquer aux puissants ?
Cette décision montre encore une fois les limites de la justice face au pouvoir politique.
Est-ce que ce classement sans suite était prévisible ?
Les critiques envers la CJR se renforcent avec ce genre de décisions.
Intéressant de voir comment la justice traite les affaires impliquant des personnalités politiques de haut niveau.
C’est un sujet récurrent en France.
Pourquoi les avocats n’ont-ils pas mieux préparé leur plainte ?
Peut-être qu’il y avait des obstacles procéduraux majeurs à contourner.