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RADIO MA – À LA DEMANDE – PODCAST
D’abord, il y a du vent. Ensuite viennent des murmures. Puis des voix, d’hommes et de femmes, qui racontent et se souviennent de « leurs » morts. Des outils de bricolage de l’un, des mouchoirs en coton joliment repassés de l’autre. Ils disent les regrets (celui de ne pas avoir dit « je t’aime ») ; ce qui manque (des mains, une odeur, un accent et ce « quand je l’ai perdu, j’ai perdu ses yeux, j’ai perdu son point de vue »). Ils disent aussi les choses oubliées : un rire ou encore « la couleur de l’intérieur de [s]es mains ».
C’est tout cela – c’est-à-dire tout à la fois la cruelle absence de ces disparus et l’amour qu’on leur porte – que donnent si sensiblement à entendre Judith Bordas et Annabelle Brouard. Avec une délicatesse infinie, elles parviennent à faire renaître (et non seulement pour ceux qui témoignent, mais aussi pour nous, auditeurs) la vie de ces chers disparus qui, bien qu’inconnus de nous, parviennent, comme par écho-ricochet, à nous remémorer les nôtres.
Faire advenir une parole
C’est en 2023 que Judith Bordas a eu l’idée de cette « cabine du vent », quand elle a découvert l’extraordinaire histoire de ce Japonais qui, après le séisme de 2011, a installé une cabine téléphonique chez lui pour dialoguer avec les engloutis de sa famille. Cabine bientôt investie par des voisins venus eux aussi déposer des messages pour leurs disparus.
Judith Bordas et Annabelle Brouard, auxquelles on doit notamment les créations Traverser les forêts ou encore Fugueuses. Histoires des femmes qui voulaient partir, ont alors eu l’idée de demander à deux scénographes (Stéphanie Mathieu et Amandine Fonfrède) de concevoir une cabine qui permettrait de faire advenir une parole. Un dispositif permis par le théâtre de Montbéliard (Doubs), MA Scène nationale – Pays de Montbéliard, qui, depuis 2021, s’est lancée dans la radio de création et a depuis construit un bien beau catalogue à retrouver sur leur site où s’écoutent aussi Sophie et la saucisse, de Sophie Simonot, ou Sochaliens, d’Antoine Richard.
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15 commentaires
Un projet audacieux et émouvant. J’espère qu’il pourra être diffusé plus largement pour toucher encore plus de personnes.
Tout à fait, ce genre de création mérite d’être portée à la connaissance du plus grand nombre.
Une belle initiative pour aborder le sujet de la mort avec sensibilité. J’aimerais savoir comment ce projet a été reçu par le public.
Je pense que c’est le genre de projet qui résonne profondément, même sans doel’aléatoire.
Une œuvre qui, j’espère, aidera ceux qui ont perdu un proche à trouver un peu de réconfort dans ces voix partagées.
Mine de rien, ce projet pourrait être une véritable thérapie pour beaucoup.
Étonnant comment une simple cabine et des voix peupler cette absence. Une réalisation qui je pense marquera les esprits.
Oui, et surtout les cœurs, sans aucun doute.
Une création sonore très touchante, qui parle de la perte et du souvenir de manière si intime. Cela doit être difficile à écouter pour certains, mais combien nécessaire.
Je suis d’accord, une émotion brute qui nous touche tous.
C’est vrai qu’évoquer les souvenirs peut être douloureux, mais c’est aussi une façon de garder vivant leur souvenir.
La façon dont les sons et les murmures sont utilisés crée une atmosphère immersive. Cela donne presque l’impression d’être présent dans la cabine.
C’est tout l’art de cette œuvre, rendre palpable l’absence.
Des témoignages poignants et des détails si personnels qui rendent cette œuvre si universelle. On se sent comme dans une confidence.
Exactement, c’est comme si on partageait un moment avec les personnes qui racontent leurs histoires.