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Il faut prendre les sanctions américaines annoncées mardi 23 décembre pour ce qu’elles sont : l’amorce d’une nouvelle offensive contre l’Union européenne. Ces sanctions, qui consistent en des interdictions de visa, ciblent l’ancien commissaire européen Thierry Breton et quatre personnalités de la société civile engagées dans les efforts de régulation des plateformes numériques américaines. L’erreur serait de les considérer comme purement symboliques.
Thierry Breton, qui fut commissaire européen chargé du marché intérieur de 2019 à 2024, a raison de dénoncer un « vent de maccarthysme ». Le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, a en effet justifié ces sanctions en dénonçant d’imaginaires « idéologues européens ». En l’occurrence, c’est plutôt l’Etat fédéral américain, instrumentalisé par les mastodontes du numérique, qui se montre prompt à exporter au-delà des frontières des Etats-Unis les batailles culturelles qui l’obsèdent.
Les accusations de « censure extraterritoriale » ne doivent tromper personne. Ce que ces hyperpuissances du numérique veulent abattre, pour pouvoir profiter du riche marché européen, c’est bien un souci légitime de régulation. Et les directives Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA) qui y répondent sont avant tout l’expression de la souveraineté européenne.
Le « complexe industriel mondial de la censure » fantasmé par le département d’Etat des Etats-Unis n’est rien d’autre que le produit d’un processus démocratique impliquant les Etats et les institutions européennes. Ces initiatives ont été validées à d’écrasantes majorités par le Parlement européen : par 539 voix contre 54 pour le DSA, et par 588 voix contre seulement 11 pour le DMA. L’extrême droite européenne, régulièrement encensée par la nouvelle administration, n’a même pas fait bloc, alors, pour les repousser (les élus du Rassemblement national s’étaient ainsi contentés de s’abstenir).
Indispensable réflexe d’unité
Si les Etats-Unis plaçaient encore les vertus démocratiques au-dessus des intérêts de groupes privés, si puissants soient-ils, ils verraient dans le large soutien apporté à ces deux directives l’expression d’une volonté populaire. Cette dernière considère que les discours haineux et la désinformation en ligne doivent et peuvent être combattus. Thierry Breton avait résumé la philosophie du DSA d’une formule : « Ce qui est interdit dans le monde réel l’est aussi dans le monde virtuel », et elle est plus que jamais d’actualité.
Face à Donald Trump, les Européens se sont jusqu’à présent convaincus que plier était la moins mauvaise des postures. Ce fut le cas à propos de ses taxes douanières, dont la légalité reste à examiner par la justice américaine. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait assuré que les concessions faites le 27 juillet seraient un gage de « stabilité ». La voilà sèchement démentie.
Survenant après la présentation d’une « stratégie de sécurité nationale » qui prêche pour le démantèlement de l’Union européenne, après la nomination d’un envoyé spécial américain pour le Groenland, territoire autonome qui fait partie du Danemark et dont Washington veut purement et simplement s’emparer, les sanctions américaines doivent accélérer un début de prise de conscience et raviver un indispensable réflexe d’unité. Car le chacun pour soi au nom d’une souveraineté croupion ne peut conduire qu’à une Europe à la découpe à la seule satisfaction de grands prédateurs.









19 commentaires
Les sanctions américaines contre des personnalités européennes montrent une escalade inquiétante. Pourquoi visent-elles des champions de la régulation numérique ?
Peut-être une tentative d’influence sur les lois européennes, comme le Digital Services Act.
Pourquoi les États-Unis ciblent-ils spécifiquement des personnalités impliquées dans la régulation des plateformes numériques ?
Probablement pour limiter l’impact des nouvelles lois européennes sur leurs entreprises.
Les accusations de ‘censure extraterritoriale’ sont alarmantes. L’Europe doit-elle céder aux pressions des géants du numérique ?
Il faut défendre nos valeurs tout en évitant une guerre commerciale ouverte.
Un nouvel avertissement pour les Européens ? Il semble que les tensions commerciales et technologiques entre les États-Unis et l’UE se durcissent. Il est crucial de comprendre les implications de ces sanctions.
Les sanctions ciblent des personnalités clés dans la régulation des GAFAM. Cela pourrait compliquer les relations commerciales.
C’est un avertissement sérieux. L’Europe doit-elle craindre une escalade des conflits avec les États-Unis ?
Les Européens doivent-ils s’inquiéter de ces sanctions américaines ? Elles pourraient affecter nos relations futures.
Difficile à dire, mais il est évident que les tensions persistent.
Un nouvel avertissement pour l’Europe ? Ces sanctions montrent l’importance de rester uni face aux pressions extérieures.
L’unité européenne est cruciale dans ces situations, effectivement.
Les sanctions américaines contre des personnalités européennes pourraient-elles avoir des conséquences sur les marchés financiers ?
C’est possible, surtout si les tensions s’aggravent.
Les sanctions contre des figures de la société civile européenne sont-elles vraiment symboliques, ou le début d’une guerre économique ?
Symboliques peut-être, mais le message est clair : les États-Unis ne veulent pas de régulation dans leur secteur.
Un vent de maccarthysme souffle-t-il vraiment sur l’Europe ? Les sanctions contre Thierry Breton et d’autres semblent le suggérer.
C’est un terme fort, mais les accusations américaines sont effectivement préoccupantes.