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Les Européens s’inquiétaient du risque de désengagement des Etats-Unis et du retour de la tradition isolationniste américaine ? Qu’ils se rassurent. La nouvelle stratégie de sécurité nationale américaine (NSS), publiée le 5 décembre, considère on ne peut plus explicitement que l’Europe est « stratégiquement et culturellement vitale pour les Etats-Unis ». Le prix à payer pour cet intérêt renouvelé est de devenir l’une des terres d’exportation des guerres culturelles américaines, avec pour corollaire des ingérences grandissantes.

Pensée par le courant le plus idéologique du trumpisme, incarné par le vice-président, J. D. Vance, la NSS se donne pour objectif de rendre à l’Europe sa grandeur en brossant un tableau sombre de sa faillite « civilisationnelle ». Celle-ci serait d’ordre démographique, politique, culturel et géopolitique, et résulterait de la négation par l’Europe de sa propre identité et de la soumission de l’Union européenne à des entités supranationales.

Le rapport de la NSS convoque autant le thème complotiste du « grand remplacement » que celui de la censure qu’exerceraient les défenseurs du « wokisme ». Ces termes rappellent ceux que la Russie brandit depuis longtemps déjà. Moscou se présente en effet comme l’authentique Europe, celle de Byzance, non pervertie par le libéralisme des « Anglo-Saxons », celle qui a gardé le souvenir de ses racines chrétiennes et qui chérit la mémoire de l’ancienne Europe. Le Kremlin se pense comme le dernier bastion – le katéchon, littéralement « celui qui retient » dans le langage biblique – avant l’arrivée de l’Antéchrist, le rempart face au chaos libéral, porteur de la promesse d’un salut qui verrait l’Europe renaître de ses cendres.

Au-delà des analogies discursives, il serait erroné de réduire la NSS à une simple transposition du discours russe aux ambitions trumpiennes. L’argument mobilisé par la NSS d’une défense de la civilisation occidentale a sa propre généalogie nationale, qui ne doit rien à la Russie et puise dans des traditions purement américaines. Parmi elles, l’anticommunisme judéo-chrétien de la guerre froide, la réaction post-années 1960 contre la sécularisation et le multiculturalisme, le thème du « choc des civilisations » centré sur l’islamisme après le 11-Septembre et la conception racialisée d’un Occident menacé.

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