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Affirmer, comme le fait le directeur du Centre européen pour le droit et la justice Grégor Puppinck, dans une tribune parue le 3 novembre dans Le Journal du dimanche, que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) serait sur le point d’« autoriser la polygamie » n’est pas une simple erreur d’analyse : c’est un procédé. Il ne vise pas seulement la polygamie, mais la cour elle-même, et transforme un contentieux précis en symbole fabriqué d’une Europe qui renoncerait à ses repères. A ce stade, il ne s’agit plus d’interpréter le droit, mais de façonner un récit politique.
Que juge réellement la cour ? L’affaire Al-Anesi contre les Pays-Bas, à l’origine de la tribune de Grégor Puppinck, ne demande pas à la CEDH de reconnaître la polygamie comme modèle familial légitime. Le requérant est un avocat yéménite, polygame, à qui les Pays-Bas ont accordé l’asile. Il vit sur place avec sa première épouse et leurs huit enfants. Les autorités ont en revanche refusé l’entrée de cinq autres enfants, nés de ses deuxième et troisième épouses, restées en Turquie. La question posée à Strasbourg est limpide : un Etat peut-il, au nom de son refus de la polygamie, décider que ces enfants ne pourront jamais vivre auprès de leur père réfugié, sans même examiner concrètement leur situation ?
Présenter cela comme une « légalisation de la polygamie », c’est pratiquer un amalgame volontaire et orienté politiquement. Depuis des décennies, le droit européen distingue clairement deux choses. D’un côté, la CEDH reconnaît qu’il existe une vie familiale entre un père et ses enfants, même si ceux-ci sont nés dans un cadre polygamique. Ils ont donc droit, comme tous les enfants, à une protection minimale. De l’autre, les Etats restent libres d’interdire la polygamie, de ne pas reconnaître les mariages polygamiques et de refuser le regroupement des épouses supplémentaires. Protéger les enfants ne revient pas à légitimer la polygamie ; c’est refuser qu’ils en payent le prix.
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16 commentaires
La polygamie est interdite dans de nombreux pays, y compris en Europe. La CEDH ne changerait pas cela.
C’est une affaire de souveraineté nationale, les traités internationaux ne remettent pas en cause ces lois.
La polygamie est une question complexe, mais il est important de distinguer interprétation juridique et manipulations médiatiques.
Tout à fait, l’analyse doit rester factuelle.
La CEDH traite des cas individuels, pas des données symboliques.
Cet article montre comment des décisions juridiques spécifiques peuvent être détournées pour des campagnes idéologiques.
C’est une tendance inquiétante dans le débat public actuel.
Article intéressant, mais la CEDH est souvent instrumentalisée pour des débats politiques plus larges.
C’est un problème récurrent avec les institutions européennes.
La Cour européenne se concentre sur des cas précis, pas sur une légitimation de la polygamie comme modèle social.
C’est exact, l’affaire concernait un droit d’asile, pas une reconfiguration du droit familial.
La justice européenne doit trancher des cas concrets, pas inventer de nouveaux droits.
Tout à fait, son rôle est de garantir les droits existants, pas d’en créer.
L’affaire mentionnée est un exemple de la complexité des dilemmes juridiques modernes.
La justice doit peser chaque cas avec nuance.
Les droits de l’homme et les traditions culturelles entrent souvent en conflit.