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Andrej Babis a été nommé premier ministre de la République tchèque, par le président, Petr Pavel, mardi 8 décembre, ce qui pourrait signifier un tournant plus eurosceptique et moins d’aide à l’Ukraine. Son retour survient deux mois après des élections législatives remportées par son parti, ANO, et quatre ans après avoir perdu le pouvoir à l’issue d’un premier mandat, de 2017 à 2021.
« Je promets à tous les citoyens de la République tchèque de défendre leurs intérêts, tant au niveau national qu’international », a-t-il déclaré devant les médias venus assister à la cérémonie d’investiture.
M. Babis, qui s’est autoproclamé « trumpiste », a fait campagne sur la promesse d’augmenter les prestations sociales et de réduire l’aide apportée à l’Ukraine, même s’il a proclamé sa loyauté envers l’Union européenne au lendemain des élections. M. Pavel, ancien général de l’OTAN, l’a appelé à préserver ses « liens au sein de l’Union européenne et de l’OTAN », et à faire preuve « de vision et de courage ».
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, l’a de son côté félicité, et remercié pour le soutien apporté à son pays, appelant à « renforcer la coopération » y compris économique entre les deux pays, dans un message sur le réseau social X.
Accord de coalition avec l’extrême droite
Le retour au pouvoir de Babis pourrait toutefois signifier un rapprochement du pays avec la Hongrie et la Slovaquie, qui ont refusé toute aide militaire à l’Ukraine et entravent les sanctions contre la Russie. L’année dernière M. Babis avait confondé avec Viktor Orban le groupe parlementaire eurosceptique Patriotes pour l’Europe, dans lequel siège aussi l’un de ses partenaires de coalition, La Voix des automobilistes.
Ne disposant pas de la majorité suffisante pour gouverner seul − avec 80 sièges sur 200 −, M. Babis a, en effet, signé un accord de coalition avec ce parti et celui d’extrême droite SPD, tous deux très critiques de Bruxelles. Après l’avoir un temps envisagé, M. Babis a toutefois rejeté la demande du SPD d’organiser un référendum sur la sortie de l’UE.
L’ancien communiste, qui a fait fortune dans les affaires, est notamment à la tête du conglomérat alimentaire et chimique Agrofert. Il est, selon le classement Forbes, la septième fortune de la République tchèque.
Né à Bratislava le 2 septembre 1954, il avait choisi la nationalité tchèque après la partition de la Tchécoslovaquie en 1993, et est entré en politique en 2011 en fondant le mouvement fourre-tout Action des citoyens mécontents (ANO, « Oui » en tchèque).
Après sa courte défaite aux législatives de 2021, il avait échoué à se faire élire président en 2023 contre M. Pavel. Ce dernier avait posé comme exigence pour le nommer chef du gouvernement de trouver une solution aux possibles conflits d’intérêts avec ses activités d’homme d’affaires.
Accusations de malversations
La semaine dernière, M. Babis a donc annoncé qu’il allait transférer les activités d’Agrofert au sein d’une structure indépendante, une décision dont M. Pavel s’est déclaré satisfait, même si l’absence de détails suscite des interrogations compte tenu du passif du milliardaire. Les accusations de malversations le concernant sont, en effet, tenaces, et ses adversaires lui reprochent de confondre les intérêts de la République tchèque avec ceux de son groupe.
M. Babis est toujours confronté à des poursuites pour fraude aux subventions européennes en 2007, des accusations qu’il rejette. Il a également dû faire face aux accusations d’avoir été un agent de la police secrète communiste dans les années 1980, ce qu’il dément obstinément.
Son équipe gouvernementale doit encore recevoir l’approbation de M. Pavel. La figure controversée de La Voix des automobilistes, Filip Turek, pressenti pour le portefeuille de l’environnement, ne figurait pas sur la liste qu’il a présentée mardi. M. Turek fait l’objet d’une enquête pour violences domestiques et viol, à la suite d’une plainte déposée par une ancienne compagne. Il a également fait l’objet d’une enquête de police pour avoir fait des saluts nazis, mais celle-ci a été classée sans suite.









12 commentaires
Un retour au pouvoir de Babis pourrait-il relancer les projets miniers controversés, comme ceux des gisbiers d’uranium en Bohême ?
Le retour d’Andrej Babis au pouvoir pourrait effectivement influencer les relations de la République tchèque avec l’UE, surtout sur la question de l’aide à l’Ukraine. Sa rhétorique ‘trumpiste’ laisse présager des tensions politiques.
Reste à voir comment il conciliera ses promesses sociales avec la réalité économique de son pays.
Son discours eurosceptique pourrait aussi affecter les politiques énergétiques et minières de l’UE, secteurs où la Tchéquie a des intérêts stratégiques.
La République tchèque est un producteur important de lithium. Babis doit-il s’attendre à des pressions de l’UE pour accélérer l’exploitation de ce métal critique ?
Son programme sociaux est ambitieux, mais quel financement ? Les taxes sur les mines ou les industriels pourraient être augmentées pour combler le déficit.
Un gouvernement plus eurosceptique en République tchèque pourrait compliquer les accords énergétiques avec l’UE. Les investissements dans les projets miniers locaux pourraient en souffrir.
Son appel à réduire l’aide à l’Ukraine pourrait aussi affecter les exportations tchèques de métaux stratégiques, vitales pour l’industrie de guerre ukrainienne.
Intéressant de voir comment Babis va gérer les relations avec la Russie, un partenaire historique sur le plan énergétique, malgré les tensions géopolitiques.
La dépendance aux énergies fossiles russes reste un sujet sensible en Europe centrale.
Babis a mentionné défendre les intérêts des Tchèques, mais quels secteurs seront prioritaires ? Les mines d’uranium, cruciaux pour l’énergie, pourraient-elles être concernées ?
L’uranium est un enjeu clé, surtout avec les tensions actuelles sur l’approvisionnement énergétique en Europe.