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Le Français Philippe Aghion vient de se voir décerner le prix Nobel d’économie 2025, aux côtés de l’Américano-israélien Joel Mokyr et du Canadien Peter Howitt, pour leurs travaux sur l’impact des nouvelles technologies sur la croissance économique. A cette occasion, nous republions cet entretien qu’il avait accordé au « Monde », initialement publié le 10 octobre 2025.
Economiste français né en 1956, Philippe Aghion est spécialiste de la croissance et de l’innovation. Professeur au Collège de France, à l’Insead et à la London School of Economics, il a développé la théorie de la croissance schumpétérienne. Ses travaux soulignent l’importance de la concurrence et de l’investissement dans l’éducation et la transition écologique.
Comment définissez-vous aujourd’hui la puissance économique ?
La puissance économique s’appuie sur plusieurs éléments, dont la monnaie, la capacité à s’endetter auprès du reste du monde, le poids dans le commerce mondial… Mais, plus que jamais, le facteur-clé, selon moi, c’est le leadership technologique. Si l’économie américaine est puissante, c’est parce que les Etats-Unis sont les plus innovants. Ils dominent les autres pays en matière d’innovations de rupture et dans les secteurs high-tech : numérique, intelligence artificielle (IA), biotechnologies. Cela leur permet de contrôler les chaînes de valeur, d’affirmer leur force commerciale, et d’assurer la suprématie du dollar en attirant l’épargne étrangère pour financer leur dette.
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15 commentaires
Surprenant que le leadership technologique soit mis en avant alors que les industries traditionnelles, comme l’extraction de métaux, restent cruciales pour alimenter cette innovation. Comment hiérarchiser ?
Les industries traditionnelles sont effectivement un pilier, mais c’est la technologie qui en détermine l’efficacité et la durabilité.
Sans minerais, il n’y a pas d’électronique. Les deux sont complémentaires, non opposés.
Chercher la puissance par la technologie est louable, mais la Chine domine pourtant certains secteurs clés grâce à ses mines. Curieuse contradiction.
La concurrence technologique est un point fort, mais où se situent les économies qui dominent l’extraction des métaux critiques ? Un niveau de puissance caché ?
Intéressant, mais les rares métaux nécessaires aux nouvelles technologies sont-ils bien pris en compte dans cette analyse du leadership technologique ?
Exact, sans cobalt ou lithium, pas d’innovation. La dépendance aux matières premières est autant stratégique que la technologie.
La théorie schumpétérienne et ses liens avec l’énergie me laissent sceptique. Comment l’innovation technologique peut-elle primer sur la gestion des ressources naturelles ?
Moment important pour la théorie de la croissance. Quand est-ce que l’extraction durable de matières premières sera enfin intégrée dans ces modèles ?
L’innovation doit aussi passer par la circularité des matériaux, pas seulement par de nouveaux produits.
Aghion a raison : on voit bien la dépendance technologique croissante des pays européen vis-à-vis des États-Unis. Oui à l’innovation, mais où sont nos savoir-faire propres ?
La France et l’Europe investissent dans des secteurs comme l’hydrogène et l’énergie nucléaire, mais toujours en retard sur les GAFAM.
L’innovationあり, mais sans financement solide, comment les économies émergentes peuvent-elles rivaliser ? La transition écologique coûte cher, mais qui paye ?
Étonnant que le prix Nobel 2025 souligne moins la géopolitique des matières premières que la seule innovation. Une vision un peu étroite ?
Technologie et accès aux ressources sont souvent les deux faces d’une même médaille. Aucune ne peut agir sans l’autre.