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Deux paires d’yeux hallucinés – une bleue, une verte –, deux gueules d’anges ravagées par trois jours d’effort surhumain, fendues d’un sourire jusqu’aux oreilles. Depuis plus de deux mois, les images de Benjamin Védrines et de Nicolas Jean, radieux à leur retour au camp de base après leur « première » sur la face nord du Jannu Est (7 468 mètres), au Népal, le 15 octobre, ont fait le tour de la planète alpinisme et bien au-delà. Pour le premier, âgé de 33 ans, elles illustrent « l’ascension d’une vie ». Pour son comparse, à l’aube de ses 27 ans, elles suscitent une « grande émotion intime ». Car, avant de venir à bout de ce bastion de l’Est himalayen surplombé d’un à-pic de 2 300 mètres de glace, de neige et de rochers sur laquelle une quinzaine de cordées s’étaient cassé les dents jusqu’alors, les deux alpinistes français ont dû composer avec trente-cinq jours de mauvais temps. Puis ont bénéficié d’un alignement de planètes rare dans l’Himalaya : une fenêtre météo de quatre jours sans trop d’avalanches ni de chutes de pierres.
L’ascension de cette citadelle népalaise est un acte de foi ou de folie – selon les points de vue –, qui revient à placer littéralement sa vie entre les mains de son compagnon d’ascension. La gestion du temps est cruciale, et il faut se comprendre d’une attitude ou d’un regard. Et les deux se connaissent à merveille. « Je n’aurais pas pu y retourner avec autant de confiance avec quelqu’un d’autre que Nicolas, témoigne Benjamin Védrines. Il a beaucoup évolué en maturité alpinistique et en tant qu’homme. » Y retourner, car un an plus tôt, en 2024, les deux hommes, accompagnés d’un troisième compagnon de cordée et d’aventure, Léo Billon, ont été contraints de rebrousser chemin en cours d’ascension.
Pas en 2025. Leur exploit accompli – en pur style alpin, soit sans apport extérieur d’oxygène, sans cordes fixes ni assistance humaine sur la montagne, loin de ce qui prévaut en Himalaya –, les compères, tous deux guides de haute montagne, ont repris leurs chemins respectifs. Aux antipodes l’un de l’autre. Egalement artisan charpentier, Nicolas Jean a rallié dare-dare sa vallée natale de l’Ubaye, dans les Alpes-de-Haute-Provence, pour achever la rénovation d’une ferme avant les premières neiges. Là où lui cultive sa discrétion, Benjamin Védrines s’épanouit sous les projecteurs. Et s’est lancé dans une folle tournée médiatique, prévue avant leur prouesse commune.
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10 commentaires
Des images incroyables! Leur sourire en dit long sur la satisfaction après tant d’efforts. Un vrai rêve devenu réalité.
C’est un moment que beaucoup d’alpinistes rêvent de vivre. Leurs regards parlent d’eux-mêmes.
Bravo pour leur détermination! Mais je me demande quels risques ils ont pris pour réussir cette ascension. Certains passages devaient être particulièrement périlleux.
Effectivement, la face nord est connue pour ses sections techniques et imprévisibles. Leur réussite montre une préparation hors norme.
Incroyable exploit de ces deux alpinistes! La face nord du Jannu Est est un défi redoutable, et pourtant ils l’ont surmonté. Leur persévérance force l’admiration.
Trente-cinq jours de mauvais temps, c’est impressionnant. La fenêtre météo a dû être exploitée avec précision.
Oui, ce must est considéré comme l’un des plus difficiles au monde. Leur expérience a dû être inattentionnée.
Un exploit à mettre à côté des autres légendaires mais qui n’a pas fait en effet beaucoup de bruit. Pourquoi selon vous?
Peut-être parce que l’alpinisme n’attire plus autant l’attention des médias que d’autres sports extrêmes.
Je trouve fascinant comment certains alpinistes parviennent à concilier aventure et respect de la nature. On en parle peu, mais c’est un aspect essentiel.