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Une semaine après l’assassinat de Mehdi Kessaci, les ministres de l’intérieur et de la justice viennent, jeudi 20 novembre, à Marseille, où l’attente est forte dans un contexte de lutte contre le narcobanditisme « loin d’être gagnée ».

Gérald Darmanin et Laurent Nuñez, ex-préfet de police des Bouches-du-Rhône, passeront la journée dans la deuxième ville de France auprès des magistrats et des enquêteurs en première ligne dans ce combat. Ils doivent aussi discuter en début d’après-midi avec la famille Kessaci.

« Arrêtons tous ces discours, arrêtons tous ces effets d’annonce » : « Maintenant, juste place à l’action », a lancé mercredi Amine Kessaci, qui avait perdu un autre frère en 2020 dans un narchomicide. « Je ne sais pas comment ma famille va se tenir après ça, mais je veux dire juste une seule chose : protégeons celles et ceux qui se sont levés, protégeons celles et ceux qui sont les visages de la République », a ajouté, sur France 2, ce militant antidrogue, qui vit sous protection policière depuis la fin d’août.

« Mon petit frère est mort pour rien »

L’assassinat en plein jour de son petit frère, qui voulait devenir policier, a tétanisé la ville. La justice étudie la piste d’« un crime d’intimidation » visant Amine. Mais ce dernier a prévenu qu’il ne se tairait pas et a appelé à descendre dans la rue samedi pour une marche blanche.

Invité jeudi matin sur France Inter, Amine Kessaci a affirmé « prendre la parole pour toutes ces mères qui ont perdu des enfants et qui tiennent debout. Je parle pour mon petit frère qui est mort pour rien (…). On ne devrait tuer aucun petit frère pour rien ».

« Si on est des milliers à se saisir de cette question, si on est des milliers de nouveaux visages à apparaître sur ces sujets, ils ne pourront pas tuer tout un peuple », a dit Amine, interrogé à propos de l’une de ses déclarations prévenant qu’il ne se tairait pas face aux narcotrafiquants.

« Ces gens, ils me cherchaient, moi, et moi j’étais protégé, pas mon petit frère », avait-il déclaré dans un entretien mercredi sur Franceinfo. « Le premier sentiment que j’ai, c’est la culpabilité », a-t-il dit, la voix brisée par l’émotion. « Ce qu’on peut reprocher aujourd’hui à Mehdi Kessaci, c’est d’être le frère d’Amine Kessaci et de me dire que mon frère est aujourd’hui dans ce cercueil à ma place. »

Enchaînant les interventions dans les médias, il a demandé que son frère soit reconnu à titre posthume « comme un gardien de la paix ». Il espère une mobilisation devant toutes les mairies de France, avec des minutes de silence, samedi. Le maire de Marseille, Benoît Payan (divers gauche), a invité ses administrés à ne « pas avoir peur ». Mais dans les milieux associatifs, dans les médias et dans les couloirs du palais de justice, la peur est bien présente.

Le « haut du spectre de la criminalité organisée » suspecté

Invitée de Franceinfo mercredi soir, la procureure de Paris, Laure Beccuau, chargée de l’enquête, a fait savoir que « haut du spectre de la criminalité organisée » est le responsable le plus probable de l’assassinat de Mehdi Kessaci.

En « cherchant le contexte de cet assassinat terrible et scandaleux » qui a depuis tétanisé Marseille, « on se dit que la victime n’a pas été ciblée parce que c’était quelqu’un qui participait à du trafic de stupéfiants, et qui était donc un rival ; ça n’a pas été non plus une victime collatérale, c’est-à-dire que personne d’autre ne semble avoir été visé à ses côtés, et que [Mehdi Kessaci] semble avoir été ciblé », a déclaré Laure Beccuau mercredi soir.

« Donc, la troisième hypothèse a évidemment été celle de son environnement (…), et bien évidemment son frère [Amine Kessaci], qui est connu à Marseille pour être un opposant (…) au déploiement du trafic de stupéfiants » dans la cité phocéenne, a-t-elle ajouté.

Dès lors, « on a estimé que ceux qui étaient capables de ce type d’agissement scandaleux faisaient partie du haut du spectre de la criminalité organisée », a tranché la procureure, ce qui explique, selon elle, la saisine de la juridiction nationale de lutte contre le crime organisé, sise au tribunal de Paris. Cela s’explique par « un contexte, et non pas par des éléments précis », en l’état.

Le climat se tend

Sur fond d’une tension croissante dans cette lutte contre le trafic de drogue, des magistrats plaident pour une anonymisation dans les procédures concernant des narcotrafiquants – comme la DZ Mafia –, qui n’hésitent pas à recruter des adolescents sur les réseaux sociaux pour leur demander d’exécuter « un contrat » pour quelques milliers d’euros seulement.

« La lutte contre la criminalité organisée est de plus en plus dure. Le climat se tend, va crescendo (…). La lutte n’est pas perdue, mais elle est difficile et loin d’être gagnée », confie à l’Agence France-Presse (AFP) une source judiciaire.

Au tribunal judiciaire de Marseille, tout le monde se souvient de la soufflante reçue de la part de l’ex-garde des sceaux Eric Dupond-Moretti, en mars 2024. Il avait reproché aux magistrats leur défaitisme : une juge d’instruction avait dit devant une commission parlementaire craindre « que nous soyons en train de perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille ».

Mardi, lors d’une réunion d’urgence à l’Elysée, le président de la République, Emmanuel Macron, a appelé à adopter face au narcotrafic la même approche que contre « le terrorisme ». Des détails sont attendus jeudi en ce qui concerne cette stratégie.

A la cour d’appel d’Aix-en-Provence, 500 procédures criminelles sont ainsi en attente de jugement. Parmi elles, le dossier des assassins présumés de Brahim, le demi-frère d’Amine Kessaci, tué en 2020 avec deux autres jeunes hommes. Mais l’embolie judiciaire est telle que des dates de procès n’ont toujours pas été fixées, même si ce dossier « fera l’objet d’un audiencement prioritaire », promet-on.

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13 commentaires

  1. C’est tragique de voir de jeunes vies encore emportées par ce fléau. La réponse des autorités doit être à la hauteur de l’urgence.

  2. La lutte contre le trafic de drogue nécessite une coopération renforcée entre services de police et justice. Espérons que cela aboutisse.

  3. La situation à Marseille est vraiment préoccupante. J’espère que la visite des ministres pourra apporter des solutions concrètes à cette spirale de violence.

  4. Camille Robert le

    Les familles des victimes payent un lourd tribut. Comment la justice compte-t-elle renforcer la lutte contre ces réseaux criminels ?

  5. Marseille a besoin de moyens supplémentaires et d’une mobilisation sans faille. Les initiatives doivent se concrétiser rapidement.

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