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Après des mois de tergiversations, l’Union européenne (UE) envisage d’enclencher la marche arrière sur l’interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur thermique à partir de 2035. La Commission européenne a proposé, mardi 16 décembre, une série d’assouplissements qui vide partiellement de son contenu l’une des mesures phares du pacte vert européen, dont l’objectif était de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Les constructeurs pourraient ainsi continuer à commercialiser au-delà de 2035 des véhicules hybrides rechargeables – dotés d’une batterie électrique et d’un moteur à essence – ainsi que des voitures électriques équipées de prolongateurs d’autonomie fonctionnant à l’essence. L’objectif de réduction des émissions de CO2 par rapport à 2021 passerait ainsi de 100 % à 90 %.

Sous le couvert de pragmatisme, cette concession accordée aux constructeurs constitue le recul le plus important des Vingt-Sept en matière d’environnement depuis cinq ans. Le but affiché est d’offrir un répit à une industrie automobile qui traverse une crise sans précédent. Les ventes peinent à retrouver leurs niveaux d’avant la crise due au Covid, les restructurations se multiplient, les exportations s’effondrent, tandis que la concurrence chinoise fait une percée fulgurante.

Peu à peu s’est installé le récit selon lequel la situation viendrait de la décision mal calibrée de l’UE d’interdire les moteurs thermiques. Cette interprétation fait de la voiture électrique un bouc émissaire bien commode. Les constructeurs sont surtout victimes de leurs propres choix stratégiques, qui ont consisté, ces dernières années, à privilégier des voitures toujours plus grosses, plus équipées et plus chères. Par court-termisme, ils ont préféré gonfler leurs bénéfices au détriment des volumes de ventes.

Comme les voitures sont devenues inabordables pour la plupart des clients, le marché a fini par s’atrophier, obligeant les constructeurs à fermer des capacités de production. Le segment des petites voitures électriques n’a été développé que tardivement, laissant le champ libre en matière d’innovation et de production de masse aux constructeurs chinois pour proposer des modèles séduisants à des prix imbattables.

Différer le basculement total vers l’électrique risque de faire le jeu de l’industrie chinoise, qui continuera malgré tout à accentuer son avance technologique et marketing. Par ailleurs, le fait de miser sur les hybrides rechargeables n’aura qu’un intérêt limité pour protéger la filière. Face à la montée des barrières douanières européennes sur les voitures électriques, les Chinois se sont rapidement tournés vers l’exportation de voitures hybrides rechargeables, qui leur ont permis de doubler en un an leurs ventes et leurs parts de marché. Le renoncement à l’interdiction des moteurs thermiques n’est donc en rien un rempart contre l’offensive de l’empire du Milieu.

Cette proposition, qui doit encore être validée par les Etats membres et le Parlement européen, ne fera qu’inciter à ralentir le rythme des investissements au moment où il faudrait au contraire les accélérer. En revanche, celle de créer une nouvelle catégorie réglementaire pour les petits véhicules électriques, afin de les promouvoir, va dans le bon sens. La seule façon de rentabiliser les lourds investissements déjà réalisés dans l’électrique consiste à faire tourner les usines à plein régime pour bénéficier d’économies d’échelle et regagner en compétitivité face aux Chinois. C’est grâce à davantage de véhicules électriques que l’industrie européenne sortira de son marasme, pas en retardant leur émergence.

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13 commentaires

  1. Intéressant de voir comment l’UE adapte sa réglementation face aux réalités industrielles. La neutralité carbone en 2050 paraît désormais plus lointaine.

  2. Antoine O. Petit le

    L’UE fait machine arrière, mais quand on voit l’état du marché automobile, c’est compréhensible. Le problème, c’est que les engagements climatiques en prennent un coup.

  3. Cette décision de l’UE semble être un compromis nécessaire face à la crise de l’industrie automobile, mais au détriment de nos engagements climatiques.

  4. Antoine D. Thomas le

    L’industrie automobile traverse une crise profonde, et cette décision offre un répit bienvenu. Espérons que c’est suffisant pour relancer un secteur clé de l’économie européenne.

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