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L’AVIS DU « MONDE » – A VOIR
Dans la lumière d’un soleil couchant, au milieu d’une vallée, une vieille femme, munie de gants rudimentaires, rempile patiemment les parpaings de sa maison éboulée, dans l’attente qu’ils soient peut-être un jour de nouveau cimentés.
Ce segment du film de l’Ukrainien Sergei Loznitsa, L’Invasion, en condense en quelque sorte la méthode : des blocs documentaires glanés deux années durant à travers son pays assiégé, sans qu’ils soient « contextualisés », localisés ou datés, et dans lesquels le spectateur est abruptement parachuté. D’abord diffusée sous la forme d’une série documentaire d’une trentaine d’épisodes, L’Invasion a été remontée et resserrée pour être projetée en salle.
Loznitsa ne vise pas à faire la « chronique » de la guerre en Ukraine par le biais de témoignages. Les protagonistes des diverses séquences ne sont pas distinctement identifiés et leurs échanges, lorsqu’ils en ont (car bien des plans se taisent), sont anodins à de rares exceptions près – notamment lorsqu’une femme évoque de façon allusive, dans une voiture, les séquelles psychiques de son compagnon revenu du front.
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11 commentaires
Les images brutes rappelent certaines archives historiques, mais leur montage donne une dimension quasi-poétique à l’horreur.
L’approche de Loznitsa en l’absence de contextualisation donne une certaine immédiateté, mais je me demande comment le public va interpréter ces images sans plus de repères.
C’est justement ce qui rend le film si puissant, l’immersion brute dans le chaos.
Cependant, cela pourrait aussi brouiller la compréhension des enjeux concrets pour certains spectateurs.
J’apprécie que le réalisateur ne se contente pas de retranscrire des témoignages, mais choisisse de montrer la vie qui continue malgré tout.
Un film comme celui-ci ne peut être vu que comme une dénonciation cendrée de l’horreur de la guerre moderne.
Mais il le fait d’une manière si subtile qu’on en oublie presque qu’on est en train de regarder la guerre.
Pourquoi ce film n’est-il pas projeté plus largement ? Ce genre d’oeuvre est crucial pour la mémoire collective.
Ce film semble capturer l’essence de la résistance et de la résilience face à l’adversité. Certaines scènes doivent être difficiles à regarder, mais nécessaires.
On pourrait critiquer le manque de narration, mais c’est précisément ce qui force le spectateur à s’impliquer davantage.
Les séquelles psychologiques sont un aspect souvent oublié dans les récits de guerre. Merci à cet effleurement du sujet.