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Il faudrait toujours avoir un œil sur le Journal officiel (JO) entre le 24 décembre et le 1er janvier car il s’y produit parfois de grandes choses, en particulier si elles nécessitent un peu de discrétion. C’est l’un des enseignements de la première carte interactive des contaminants de l’eau du robinet, établie et publiée le 16 octobre par les associations Générations futures et Data for Good. Celle-ci permet non seulement de constater de visu les profondes inégalités territoriales en matière d’accès à une eau potable de qualité, mais elle permet aussi d’entrevoir les premiers effets de deux actes réglementaires pris par le gouvernement d’Elisabeth Borne voilà près de trois ans, et subrepticement publiés au JO les 30 et 31 décembre 2022. Bien souvent, la réglementation est à la loi ce que la contrebande est au commerce.
Avant l’entrée en vigueur de ces textes (le décret n° 2022-1720 du 29 décembre 2022 et de l’arrêté du 30 décembre 2022 « modifiant l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine »), les métabolites de pesticides « non pertinents » (présumés sans danger) ne devaient pas excéder une concentration de 0,9 microgramme par litre (µg/l) dans l’eau distribuée. Sauf à ce que celle-ci ne soit plus conforme à la réglementation. Au-dessus de ce seuil, les collectivités disposaient d’une période de trois ans, renouvelable une fois, soit six ans au total, pour remettre l’eau distribuée en conformité avec les critères de qualité. Cette mesure de précaution reposait sur un constat simple : le classement d’un métabolite comme « non pertinent » dépend d’une procédure rudimentaire n’assurant pas, à elle seule, une preuve d’innocuité.
Tout cela a pris fin sans publicité ni information, sans explications ni délibération, pendant les préparatifs de la Saint-Sylvestre 2022. Sans qu’aucune organisation de la société civile, ni aucun journaliste – c’est un manquement qu’il faut bien reconnaître –, ait rien remarqué. Désormais, la valeur de 0,9 µg/l n’est plus qu’une « valeur indicative » pour les métabolites « non pertinents » de pesticides. Cela signifie que le franchissement de ce seuil déclenche certaines mesures de surveillance, d’information, etc., mais l’eau demeure conforme aux critères de qualité. Elle peut continuer à être distribuée et il n’existe aucune limite légale induisant des restrictions de sa consommation.
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10 commentaires
Les inégalités d’accès à une eau potable de qualité sont un problème majeur, surtout avec la complexité réglementaire actuelle.
Tout à fait, et cela soulève des questions sur l’efficacité des récentes mesures.
La discrétion avec laquelle ces textes réglementaires ont été publiés en dit long sur les priorités du gouvernement.
Une façon de minimiser l’impact médiatique, mais pas forcément les implications pour les citoyens.
Intéressant de voir comment les régulations sur les pesticides ont évolué, même si leur impact semble difficile à évaluer.
Oui, et cela montre une fois de plus que la législation est souvent en retard sur les problèmes réels.
Une carte interactive est un outil précieux pour mieux comprendre l’étendue des contaminations. Dommage que ce genre d’outil ne soit pas plus utilisé.
Absolument, la transparence est essentielle pour une gestion efficace de cette crise.
Les métabolites de pesticides ‘non pertinents’ étaient-ils vraiment sans danger ? Cette question mérite une étude plus approfondie.
Tout à fait, surtout avec les risques potentiels à long terme.