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En choisissant de faire entrer Robert Badinter au Panthéon, le 9 octobre, quarante-quatre ans jour pour jour après l’abolition de la peine de mort, Emmanuel Macron veut-il d’abord saluer le parcours extraordinaire d’un avocat, devenu garde des sceaux, puis président du Conseil constitutionnel, ou rendre hommage aux combats intransigeants de ce dernier pour la défense des libertés publiques ? Le Monde a choisi de croiser deux regards pour tenter de répondre à la question.
Professeur de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne, ancien président de l’association anticorruption Anticor, Paul Cassia, 53 ans, est l’auteur d’une biographie de l’ancien ministre de François Mitterrand, qui fait référence, Robert Badinter. Un juriste en politique (Fayard, 2009). Historienne du féminisme, Michelle Perrot, 97 ans, a longtemps travaillé sur l’histoire du mouvement ouvrier et des prisons. A partir de 1986, et pendant cinq ans, elle a organisé avec Robert Badinter un séminaire à l’Ecole des hautes études en sciences sociales sur la question carcérale. Elle nous reçoit dans son appartement parisien, autour d’un café et de quelques chocolats.
A la biographie que vous avez écrite en 2009, Paul Cassia, vous venez d’ajouter une préface dans laquelle vous soulignez qu’il est paradoxal qu’Emmanuel Macron décide de panthéoniser Robert Badinter, alors que ses derniers gouvernements n’ont cessé de mettre à mal beaucoup des valeurs qu’il a défendues toute sa vie…
Paul Cassia : Absolument, la panthéonisation de Badinter arrive à contre-courant d’un mouvement national et même mondial en défaveur des libertés publiques. A cet égard, tout ce que défendait Robert Badinter semble se déliter. Par exemple, l’Etat de droit qu’il a défendu bec et ongles, comme avocat, comme universitaire, comme ministre, et bien sûr comme président du Conseil constitutionnel, eh bien, cet Etat de droit est critiqué de toutes parts, y compris par Bruno Retailleau, le ministre de l’intérieur démissionnaire. Ce dernier considère que l’Etat de droit, ce n’est finalement pas très important, ce qui compte, c’est la sécurité des Français.
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13 commentaires
Un hommage bienvenu à Robert Badinter, dont l’héritage juridique reste plus actuel que jamais.
Cependant, on pourrait se demander si ses idéaux sont encore pleinement partagés aujourd’hui.
Tout à fait, surtout dans un contexte où l’État de droit est souvent mis à mal.
Intéressant de voir comment son combat contre la peine de mort continue d’inspirer.
Oui, c’est un sujet qui revient régulièrement dans le débat public.
La question de l’État de droit est-elle toujours aussi centrale dans le débat politique ?
Elle devrait l’être, mais les priorités semblent avoir changé.
Un bel exemple de transmission d’un héritage politique et juridique.
Certes, mais la logique partisan peut parfois altérer cette transmission.
Quarante-quatre ans après l’abolition, cet hommage est une belle reconnaissance.
Une reconnaissance méritée, en effet, mais il reste encore tant à faire.
Panthéon ou pas, c’est surtout son œuvre qui compte.
Absolument, bien que le symbole ait aussi son importance.