Listen to the article
« Koniac et andoulilette. » Le bon de commande massacrant deux emblèmes du terroir français a été encadré telle une relique dans l’établissement du Nord où Arnaud (les personnes citées par leur seul prénom ont requis l’anonymat) a fait ses débuts « chaotiques » dans la restauration « C’est devenu mon surnom amical, et la restauratrice m’avouait récemment qu’à force de raconter cette anecdote elle devait réfléchir à deux fois quand elle présente sa carte aux clients, car son cerveau a intégré le terme “andoulilette” », raconte le maître d’hôtel de 21 ans, parfois sommé par ses patrons, à la fin du service, de copier 100 fois le nom de la spécialité charcutière dûment orthographié.
Aujourd’hui, les quetsches, topinambours, kouign-amann et autres profiteroles ne font plus trembler Arnaud, le crayon à la main : dans le grand établissement luxembourgeois où il est en poste, les commandes sont informatisées, mais l’écrit reste pour lui « très compliqué au quotidien ». « Je ne fais pas attention à accorder en genre, en nombre… La fée de l’orthographe ne s’est jamais penchée sur mon berceau », dit-il.
A l’image de ce que ressent Arnaud, les lacunes en expression écrite restent souvent mal vécues par les jeunes actifs concernés et sont susceptibles de nuire à leur insertion dans le monde professionnel. Le phénomène touche toutes les catégories socioprofessionnelles, indépendamment du niveau d’études.
Stratégies d’évitement
Maud (le prénom a été changé) aspire au bac + 8 et se dit « une quiche en orthographe ». « J’accepte davantage qu’on critique mon travail sur le fond plutôt qu’on relève mes fautes d’orthographe, j’ai l’impression d’être une gamine de CP », témoigne la doctorante en sociologie à Toulouse. La jeune femme de 25 ans a beau s’être offert un Bescherelle pour son anniversaire, les pièges vicieux de la langue française restent impénétrables. « Je me pose souvent la question de ma légitimité en doctorat, alors que je ne maîtrise même pas bien les règles d’écriture de la langue française, poursuit la future chercheuse. Je ne peux plus envoyer un SMS en ayant la conscience tranquille, à chaque fois que j’en rédige un à mes directeurs de thèse, je le repasse au correcteur d’orthographe. »
Il vous reste 77.25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
9 commentaires
Je comprends les difficultés, mais l’orthographe reste essentielle dans les professions où la précision est cruciale, comme la restauration.
Exact, les erreurs peuvent créer des malentendus. Des formations pourraient-elles aider ces jeunes professionnels ?
C’est vrai, mais avec la digitalisation, est-ce que ces compétences prendront encore de l’importance à l’avenir ?
Dans un monde où la communication est roi, ces lacunes sont alarmantes. Un rappel à l’importance de ne pas négliger la culture générale.
Étonnant comment l’orthographe peut devenir un obstacle professionnel. La technologie offre-t-elle vraiment une solution durable ?
Les outils informatiques aident, mais maîtriser les bases de l’écrit reste indispensable.
Pareil pour moi, j’ai toujours eu du mal avec l’orthographe. Par contre, mes patrons ne m’ont jamais demandé de recopier des mots !
Les jeunes d’aujourd’hui gagnent en digital, mais perdent en maîtrise linguistique. La faute aux programmes scolaires ?
Ou simplement à l’usage excessif des outils d’autocorrection qui nous dépouillent de nos réflexes intellectuels.