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Robert Badinter s’est levé à son tour, pâle, maigre, les traits tirés, après une nuit où il n’avait guère dormi. Au matin de ce 20 janvier 1977 devant la cour d’assises de l’Aube, à Troyes, l’avocat général avait réclamé la peine de mort contre Patrick Henry, accusé d’un crime affreux, l’enlèvement et le meurtre d’un garçonnet de 7 ans, retrouvé un an plus tôt, roulé depuis dix-sept jours sous un lit, alors que l’accusé, impassible, avait repris sa petite vie et était même parti avec des copains faire du ski en Suisse. Toute la France hurlait à la mort, trois ministres du gouvernement de Raymond Barre s’étaient prononcés pour la peine capitale, l’avocat savait qu’il avait une chance sur mille de sauver la tête de ce jeune homme de 23 ans.
Robert Badinter a parlé, le dernier. Une heure et demie de plaidoirie hallucinée, la voix rauque, assourdie, puis grondante jusqu’au cri, d’un homme habité par un souffle puissant, « qui a tenu comme fascinés, éblouis, tous ceux qui étaient dans la salle d’audience », a noté Pierre Georges dans Le Monde. L’avocat a hurlé aux jurés que c’étaient eux, et eux seuls, qui avaient le pouvoir « de couper un homme en deux » et qu’il penserait à eux, ce petit matin blême dans la cour de la prison de la Santé, quand il serait avec Patrick Henry au pied de la guillotine.
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8 commentaires
Ce n’était pas un simple procès, c’était un réquisitoire contre la peine de mort elle-même. Badinter aura marqué l’histoire.
Ce procès m’a toujours fasciné. Le contraste entre l’horreur du crime et la froideur du coupable est bouleversant.
Intéressant de savoir comment l’opinion publique influençait les décisions judiciaires à cette époque.
J’espère que ces notes inédites éclaireront ce moment clé de l’histoire judiciaire française. Un sujet qui reste brûlant.
Une plaidoirie de cette envergure doit être étudiée dans les facultés de droit. Un modèle du genre.
Toute l’humanité de Badinter transparaît dans ce récit. Il a vraiment essayé de sauver un homme, pas seulement son client.
Incroyable de voir une plaidoirie aussi intense. Je me demande comment Badinter a pu garder son calme face à une telle pression.
Et dire que trois ministres ont demandé la peine de mort. La société était vraiment divisée sur ce sujet à l’époque.