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En 1997, le public britannique découvre dans un documentaire de Ken Loach un jeune avocat spécialiste des droits humains, qui prend fait et cause pour les militants écologistes opposés au géant McDonald’s dans le cadre de l’affaire dite « McLibel ». Ce jeune avocat est Keir Starmer, désormais premier ministre du Royaume-Uni.
Aujourd’hui, il fait la une des médias britanniques après l’annonce d’un plan gouvernemental de lutte contre l’immigration, qui prévoit notamment une limitation inédite de la portée de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce qui ressemble à une volte-face est en réalité la marque de l’ambiguïté des travaillistes sur ce sujet et, plus largement, de leur incapacité à dominer un agenda politique dont le contenu est désormais dicté par le parti d’extrême droite Reform UK.
L’équivoque travailliste sur le système européen de protection des droits et libertés fondamentaux remonte à la fin des années 1990 lors de l’accès au pouvoir du New Labour de Tony Blair. Sous l’ère thatchérienne qui l’a précédé [Margaret Thatcher a été première ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990], le Royaume-Uni a été traumatisé par le conflit nord-irlandais, marqué par de graves atteintes aux droits humains. Les minorités sexuelles faisaient encore l’objet de discriminations et les droits sociaux se réduisaient à peau de chagrin. Lorsqu’ils remportent les élections en 1997 [Tony Blair a été premier ministre du Royaume-Uni de 1997 à 2007], les travaillistes suscitent l’espoir d’une détente : c’est le temps de la Cool Britannia [mouvement de renouveau culturel britannique]. Sous l’angle juridique, cette nouvelle ère se traduit par l’adoption d’une loi majeure en 1998 : le Human Rights Act, qui transpose en droit britannique la Convention européenne des droits de l’homme.
Lois liberticides de Blair
Pourtant, le gouvernement de Tony Blair multiplie les lois liberticides au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Plusieurs décisions de justice sanctionnent cette dérive autoritaire sur le fondement même du texte de 1998, sans que cela atténue le populisme pénal. Les travaillistes sont également dans l’incapacité d’apporter une réponse à la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait remis en cause en 2005 la législation nationale prévoyant la privation automatique du droit de vote des personnes condamnées à des peines de prison.
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12 commentaires
Starmer semble avoir oublié ses principes de jeune avocat défenseur des droits. La politique_range toujours?
La pragmatique prend souvent le dessus sur les idéaux.
La fin des années 90 a marqué le début du glissement idéologique des travaillistes.
Cette situation met en lumière le déchirement entre les valeurs progressistes et les réalités politiques actuelles au Royaume-Uni.
On voit bien comment l’extrême droite influence même les discours traditionnels.
Effectivement, le gouvernement doit jongler entre son idéologie et les attentes populistes.
L’affaiblissement des normes européennes profitera-t-il vraiment à la lutte contre l’immigration?
Le Royaume-Uni s’éloigne de plus en plus des standards européens. Une triste évolution.
Un recul inquiétant pour les droits humains, surtout de la part d’un parti prétendant à la gauche.
La gauche britannique a perdu beaucoup de sa substance depuis Blair.
Cette restriction des droits fondamentaux risque de faire des vagues en Europe.
L’Europe des droits humains est-elle vraiment menacée, ou est-ce une tactique électeurs?