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Il est légitime d’entretenir une profonde inquiétude face aux conclusions du rapport de la Cour des comptes qui viennent d’être rendues publiques. Celles-ci recommandent non seulement la suppression du Centre national des arts plastiques (CNAP) d’ici à 2030, mais aussi la répartition de ses missions actuelles au profit de la direction générale de la création artistique du ministère de la culture pour le soutien aux artistes, ainsi que, pour la gestion des collections d’œuvres, au profit du Centre Pompidou, des musées dépositaires et des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC).
Aujourd’hui, le CNAP fait figure de cible idéologique. La procédure exceptionnelle d’un référé adressé directement à Matignon de la part de la Cour des comptes révèle la gravité du moment. Au-delà de l’existence même de cet établissement, c’est une conception de la culture fondée sur le service public, l’émancipation et la solidarité qui est visée.
Le CNAP n’est pas un opérateur administratif parmi d’autres. Il œuvre aux côtés des artistes, designers et photographes de la scène française, tout au long de leur carrière, en intervenant à des moments-clés : l’aide à la production d’une œuvre, la publication d’un livre, dans la commande ou l’acquisition d’une œuvre.
Diversité artistique
Le CNAP participe ainsi à la structuration de leur parcours dans la durée. Il soutient la création vivante, en accompagnant des lieux, dont des galeries, des éditeurs.
Enfin, en diffusant les œuvres de sa collection sur l’ensemble du territoire, il rend la diversité artistique présente dans le quotidien de toutes et tous, comme une ressource et un droit. Dans le secteur fragile des arts visuels, il agit comme amortisseur, stabilisateur, boussole. Il permet l’émergence de pratiques singulières qui, sans lui, n’auraient parfois jamais vu le jour.
La scène artistique française a besoin d’un soutien clair et affirmé. C’est la conclusion du rapport Bethenod, commandé cette année par la ministre de la culture, Rachida Dati. Non pas sur le mode restrictif ou identitaire que certains voudraient imposer, mais en reconnaissant ce que cette scène est réellement : composée d’artistes qui vivent et travaillent en France, quelle que soit leur nationalité, et d’artistes français où qu’ils résident dans le monde. C’est dans cette définition ouverte, hospitalière et exigeante que le CNAP joue un rôle irremplaçable, en constituant une collection de référence et en garantissant que la diversité de la création contemporaine trouve une reconnaissance durable.
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9 commentaires
Le rapport de la Cour des comptes semble oublier que le CNAP agit en partenariat direct avec les acteurs de la création, ce qui pourrait être compromis par une simple redistribution administrative.
La culture ne se gère pas par décret, mais par une réelle compréhension des besoins des artistes et des créatifs.
La décision de transférer les collections d’œuvres au Centre Pompidou et autres institutions sonne comme une dilution de l’héritage culturel que le CNAP incarne depuis des décennies.
Diluer les missions du CNAP, c’est risquer de perdre une partie de sa spécificité et de son efficacité.
Peut-on vraiment affirmer que la direction générale de la création artistique soit plus apte à gérer les missions du CNAP ? Les artistes actuels et émergeants comptent sur ce centre pour leur soutien.
Le manque de transparence dans cette décision laisse à penser qu’il y a d’autres enjeux en jeu, bien loin des préoccupations des artistes.
La suppression du CNAP d’ici 2030 est une décision inquiétante, surtout si elle se base sur des considérations idéologiques plutôt que sur une analyse objective de son utilité.
J’espère que les professionnels du secteur sauront se mobiliser pour préserver cette institution essentielle à la scène artistique française.
Effectuer une réforme est une chose, mais sacrifier un établissement historique au nom d’une vision réductrice de la culture en est une autre.