Listen to the article
La question est vertigineuse, mais terriblement pertinente. Cette question, c’est Blandine qui nous la pose à l’occasion d’un long et poignant échange dans un café parisien, au début de l’automne. « Contrairement aux apparences, je me demande si l’abbé Pierre ne disposait pas en fait de beaucoup d’argent. Vous y avez pensé ? » Oui, nous y avons pensé, et sur ce sujet aussi le prêtre a menti. Cette femme de 31 ans, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille, a toutes les raisons de s’interroger sur la richesse de l’apôtre des pauvres, qui était également, on le sait désormais, un insatiable prédateur sexuel. Blandine est la fille de l’une des proies que l’ecclésiastique maintenait sous son emprise financière.
A la fin des années 1980, confie-t-elle, sa mère, battue par son conjoint, demande le divorce. Rejetée par sa famille et sans travail, elle se retrouve à la rue avec son petit garçon de 10 ans – deux autres enfants, dont Blandine, naîtront d’un second mariage. Un curé lui conseille alors d’aller voir l’abbé Pierre, un bienfaiteur, assure-t-il de bonne foi. La suite est à lire dans le courrier que la mère de Blandine se décidera à envoyer trente ans plus tard, en mars 2019, à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, quelques mois avant son décès. Ce douloureux témoignage de quatre pages, nous l’avons lu et relu. Il raconte comment le clerc monnayait son soutien financier contre des actes sexuels imposés. « Il se masturbait devant moi, me demandait de lui faire des fellations, il me fouettait avec sa ceinture », écrit-elle. Le religieux poussa même le cynisme jusqu’à payer la scolarité du fils de sa victime chez les Petits Chanteurs à la croix de bois.
Une phrase de la lettre est à l’origine des interrogations de Blandine sur les revenus dont bénéficiait le prêtre catholique. « Il m’emmenait dans un appartement parisien dont il avait la clé pour passer des nuits avec lui. » Un appartement ? Une clé ? « On lui prête ? On lui loue ? Il a forcément de l’argent puisqu’il joue au sauveur alors qu’il sème la terreur », lance la jeune femme, dont la colère ne peut s’apaiser.
Il vous reste 90.3% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.










12 commentaires
Un sujet sensible, mais nécessaire. Peut-on encore célébrer l’abbé Pierre sans questionner ses méthodes ?
L’histoire ne devrait pas être réécrite, mais elle doit être éclairée sous tous ses angles.
Le culte de la personnalité brouille parfois la réalité. Il faut du recul.
Triste de voir que même les icônes peuvent trahir ceux qu’ils sont censés protéger. Où est la limite ?
L’éthique devrait primer, peu importe le nom ou la réputation.
La situation financière de l’abbé Pierre mérite un débat plus approfondi. Comment expliquer ces contradictions ?
Les témoignages comme celui de Blandine apportent une lumière inédite, mais il faudrait d’autres preuves.
Une réflexion dérangeante sur la complexité des figures publiques. On ne peut nier l’impact de l’abbé Pierre, mais la réalité des abus est difficile à ignorer.
C’est justement ce qui rend le sujet si troublant. Un héros peut cacher des ombres.
Il faudrait peut-être distinguer l’œuvre humanitaire de la personne, même si c’est compliqué.
L’article soulève une question cruciale sur la transparence financière des figures religieuses. Pourquoi tant de mensonges ?
Peut-être par peur de perdre l’influence ou la confiance accordée.