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Dans une tribune au Monde publiée le 18 décembre, la sociologue Eva Illouz s’emploie à décortiquer les ressorts de l’antisémitisme, analyse d’autant plus nécessaire après l’horrible tuerie de Bondi Beach. Son analyse reprend la distinction classique entre la judéophobie, qui renvoie à la haine chrétienne des juifs, et l’antisémitisme, qui se réfère à « une théorie quasi sociologique traitant de l’influence juive sur la société ». Elle aurait pu, d’ailleurs, aller encore plus loin dans l’analyse de l’antisémitisme moderne en citant celui, « ontologique », incarné notamment par le philosophe et membre du parti nazi Martin Heidegger qui identifiait le juif à un ennemi métaphysique, irréductiblement étranger à l’enracinement et à l’authenticité du peuple.
Eva Illouz pose le postulat suivant : l’antisionisme relève de l’antisémitisme. Que l’antisionisme serve dans certains cas de paravent à une haine des juifs, cela n’est pas contestable. Cependant, cela ne justifie pas que l’on doive adhérer, sous peine d’être traité d’antisémite, à la doxa du sionisme, mouvement politique nationaliste visant à regrouper tous les juifs dans un même Etat.
Ainsi, écrit-elle, « l’antisionisme remet en question la légitimité même du nationalisme et du foyer national juif ». Or, accepter cette légitimité revient précisément à considérer que les juifs sont un corps étranger aux nations dans lesquelles ils naissent et vivent. Le nationalisme juif vise à regrouper dans un Etat tous les juifs du monde, considérant comme les antisémites qu’ils n’ont pas de place dans les pays où ils vivent. Eva Illouz dénonce à juste titre le fait que « l’effet de l’antisémitisme est de priver les juifs de foyer, en leur déniant leur citoyenneté ou en les expulsant », mais en reprend, de fait, le fondement en défendant un nationalisme juif qui suppose que les juifs appartiennent à un peuple distinct de celui des pays dans lequel ils vivent.
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9 commentaires
La tribune d’Eva Illouz ouvre une réflexion nécessaire sur les formes contemporaines de haine antijuive. Marcuse, dans sa théorie critique, a aussi abordé ce sujet sous un angle sociologique.
Effectivement, une approche sociologique est indispensable pour saisir la complexité de ces phénomènes.
Heidegger est un exemple frappant de l’antisémitisme ontologique, une forme particulièrement insidieuse. Il est crucial de l’étudier pour mieux le combattre.
Absolument, comprendre les racines philosophiques de ces préjugés permet de mieux les déconstruire.
L’antisionisme ne peut pas être automatiquement assimilé à de l’antisémitisme, même si certains en abusent. Un point de vue nuancé s’impose.
C’est un débat complexe, mais l’équilibre entre critique politique et haine doit être clairement tracé.
Cette analyse d’Eva Illouz souligne l’importance de distinguer entre judéophobie et antisémitisme, une distinction souvent négligée dans le débat public.
Tout à fait, une nuance qui mérite d’être mieux comprise pour éviter les amalgames dangereux.
Mais ne pensez-vous pas que cette distinction est parfois utilisée pour éviter de traiter le fond du problème ?