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Histoire d’une notion. Synonyme d’argent acquis sans mérite et dénué d’utilité productive, la rente est de ces notions qui semblent porter une cible dans le dos. Elle hante les esprits des penseurs de l’économie, discipline qui ne craint rien tant que la paralysie. Or, la rente c’est précisément cela : de l’argent capté par ceux « qui aiment à recueillir là où ils n’ont pas semé » tels que les décrivait Adam Smith en 1776 dans La Richesse des nations. Pour aggraver son cas, elle est accusée d’être accumulée sans être réinjectée dans les circuits productifs.
En 2016, Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, déclarait préférer le risque à la rente, prônant une taxation des successions plutôt que l’impôt sur la fortune. En avril 2024, Gabriel Attal, alors premier ministre, faisait de la « taxation des rentes », et plus précisément de la « rente de situation », une mission en soi.
Une dissolution et quatre gouvernements plus tard, l’idée continue d’être promue. Adoptée par l’Assemblée nationale le 31 octobre, une réforme propose de transformer l’impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune improductive, qui ne toucherait pas le « patrimoine utile à l’économie », d’après l’expression de l’ancien ministre Marc Fesneau (MoDem).
Mais si la rente semble faire l’unanimité contre elle, il n’en a pas toujours été ainsi. Les rentiers n’ont pas toujours été perçus comme « ceux qui s’enrichissent en dormant », comme le disait François Mitterrand.
Au Moyen Age et sous l’Ancien Régime, le prêt à intérêt (« l’usure ») est certes condamné par l’Eglise, mais pas les revenus tirés de la terre, alors principal capital. Ainsi, le seigneur engrange le cens. « Il a le droit et le devoir de protéger ses dépendants, et c’est à ce titre qu’il perçoit ses rentes, explique Anne-Laure Alard-Bonhoure, maîtresse de conférences à l’université Paris-I. Tant que la rente reste coutumière, elle n’est pas contestée. » Elle joue un rôle structurant. Dépensée en plaisirs de la table et autres ornements ostentatoires par les seigneurs, elle alimente tout un pan de l’économie. A l’époque, personne ne songerait à la qualifier d’improductive.
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20 commentaires
Enfin une avancée concrète sur ce sujet, mais faudra-t-il des ajustements sur le terrain ?
Probablement, comme pour toute mesure fiscale nouvelle.
Macron et Attal ont marqué leur position, mais une réforme sur ce sujet reste délicate à équilibrer.
Tout dépend de ce qu’on considère comme ‘utile à l’économie’ dans ce nouveau cadre fiscal.
La notion de ‘rente de situation’ mérite plus d’explications, car elle est souvent brandie comme un mot-valise.
Absolument, une clarification serait utile pour éviter les manipulations politiques.
Une taxation ciblée sur les rentes pourrait-elle vraiment réduire les inégalités, ou juste déplacer le problème ?
C’est une question centrale, sans réponse évidente.
Cette réforme pourrait-elle décourager l’investissement locatif, déjà en baisse ces dernières années ?
C’est un risque réel qui doit être pris en compte dans l’élaboration.
Intéressant d’explorer cette notion de rente, souvent mal comprise dans le débat économique. Peut-on vraiment la qualifier de ‘résidu féodal’ dans un contexte moderne ?
Effectivement, le terme ‘résidu’ est peut-être un peu fort, mais l’idée de valeur non productive persiste.
La distinction entre patrimoine productif et improductif semble floue, surtout dans le secteur immobilier.
C’est effectivement l’un des défis majeurs de cette réforme.
Adam Smith avait raison de pointer du doigt ces revenus passifs, mais la critique semble souvent cibler les riches plutôt que le système.
C’est un biais courant, éloigné de l’analyse économique pure.
Pourquoi la rente est-elle si souvent perçue comme un mal économique alors que d’autres formes de profits le sont moins ?
Question pertinente, peut-être liée à son absence apparente de contribution directe.
La taxation des rentes, une idée qui revient régulièrement en politique, mais est-elle vraiment efficace pour relancer l’économie ?
Les résultats dépendent de l’application concrète, comme souvent en fiscalité.