Listen to the article
A l’heure où les sociétés sont traversées par de multiples crises économiques, sociales, politiques et écologiques, on pourrait s’attendre à ce que l’école forme des citoyennes et des citoyens capables de comprendre ces enjeux à travers une démarche scientifique rigoureuse. Pourtant, le ministère de l’éducation nationale s’apprête à adopter un nouveau référentiel de formation des futurs enseignants de sciences économiques et sociales (SES) qui prend le contrepied de cette ambition. Il entend en effet exclure les débats des salles de classe et réduire l’enseignement à une simple transmission de notions supposément indiscutables.
On peine à y croire, mais le texte affirme noir sur blanc que l’enseignement des SES « n’a pas pour objet la présentation de débats, qu’ils soient de société ou théoriques », et que la participation des élèves à ces débats serait « réductrice » et « facteur de relativisme ». Faut-il comprendre qu’il sera dorénavant demandé aux futurs enseignants de SES d’enseigner les sources de la croissance sans s’interroger sur ses effets sur les inégalités ou l’environnement ? D’étudier l’organisation de nos sociétés sans aborder les débats théoriques entre sociologues sur l’actualité des classes sociales ? D’analyser le commerce international sans clarifier les éléments du débat entre libre-échange et protectionnisme ? Ou encore d’examiner la vie politique contemporaine sans interroger les modes de scrutin ou le rôle des médias et des sondages dans la construction de l’opinion publique ? Ce déni de questions socialement vives est effrayant.
Ce refus du débat va aussi à rebours de ce qu’est la démarche scientifique. Les sciences sociales – comme toutes les sciences – ne se construisent que par la confrontation raisonnée d’hypothèses, par l’examen critique des faits, par la mise en discussion des cadres théoriques et des outils empiriques. La science ne s’impose jamais par dogme, mais par l’argumentation, les preuves, la comparaison. Invisibiliser ces débats conduit dès lors à s’écarter d’une démarche scientifique rigoureuse. Concrètement, à travers ce nouveau référentiel, le ministère demande aux futur⋅es enseignant⋅es de transmettre des « fondamentaux » vidés de leur sens, comme s’ils étaient éternels, indiscutables et anhistoriques.
Il vous reste 42.32% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.










9 commentaires
Comment peut-on former des citoyens éclairés sans leur apprendre à analyser les enjeux contemporains?
Cette réforme semble limiter la pensée critique dans l’enseignement des SES, ce qui est inquiétant.
Cette approche risque d’étouffer toute réflexion sur les inégalités et l’écologie dans les cours.
Qui a intérêt à éviter les débats théoriques en société aujourd’hui? Une question qui mérite réflexion.
La transmission de notions sans débat revient à nier la complexité du monde réel.
Les sciences économiques et sociales sans débat, ce n’est plus vraiment des sciences, non?
Cette réforme me fait penser à une tentative de contrôler le contenu pédagogique sur des sujets sensibles.
La neutralité enseignante ne devrait pas signifier l’absence totale de débat, mais plutôt un encadrement rigoureux.
Penser que les débats sont un obstacle à l’apprentissage est une vision très restrictive de l’éducation.