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Caroline Ibos est professeure de sociologie et d’études de genre à l’université Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis, chercheuse au Sophiapol, et travaille notamment sur les éthiques du care (le soin, en anglais, au sens non médicalisé du mot) et les domesticités. Elle a publié, avec Eric Fassin, La Savante et le Politique. Ce que le féminisme fait aux sciences sociales (PUF, 328 pages, 20 euros).
Votre livre se présente comme une réponse aux attaques visant la recherche scientifique, en particulier les sciences humaines et sociales. Comment expliquez-vous cette virulence ?
Ces attaques sont en effet massives, de la part de forces politiques qui revendiquent une lecture biologisante du monde : les milliardaires y sont vus comme des génies qui méritent leur fortune, les pauvres comme des faibles, nés pour être pauvres, les femmes sont définies par leur « nature », légitimant un ordre social qui les renvoie à la maison…
Les sciences sociales viennent déranger cet ordre établi, parce qu’elles portent un regard critique qui interroge, justement, ce qui semble si évident. En dénaturalisant les rapports sociaux et les inégalités, elles déstabilisent les discours d’autorité. Il faut donc les faire taire.
Aux Etats-Unis, l’offensive a d’abord été dirigée contre les sciences sociales, avant de cibler aussi celles du climat ou la microbiologie et même les vaccins… En Europe, les études de genre sont attaquées depuis longtemps dans des pays comme la Hongrie. En France, l’intervention de la ministre Frédérique Vidal réclamant, en 2021, une enquête sur certains champs d’études critiques a marqué les esprits.
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17 commentaires
Les milliardaires géniaux et les pauvres faibles : une vision réductrice que combattent les sciences sociales.
Cette simplification dangerous Nie l’importance des structures sociales.
Intéressant article sur la tension entre science et idéologie. Comment concilier rigueur académique et engagement politique ?
C’est un équilibre délicat, mais nécessaire pour éviter la neutralité complice.
Je pense que la science doit rester neutre, l’engagement relève d’autres sphères.
Un article qui illustre les enjeux politiques de la recherche. La science n’est jamais hors du social.
Tout à fait, son application est toujours politique, mais cela doit être assumé.
Les sciences sociales dérangent parce qu’elles montrent que l’inégalité n’est pas naturelle.
Leur force est justement de dénaturaliser ce qui semble ineluctable.
Les sciences sociales dérangent parce qu’elles remettent en question les privilèges. C’est exactly le but de la science.
Exactly, leur rôle est de questionner l’ordre établi, pas de le légitimer.
La neutralité scientifique est-elle vraiment possible ? L’objectivité est-elle une illusion ?
L’objectivité existe, mais elle est toujours influencée par le contexte.
Les attaques contre les sciences humaines montrent leur importance. Quand on conteste une discipline, c’est souvent qu’elle gêne.
Tout à fait d’accord, leur critique révèle souvent ce qu’elles mettent en lumière.
La virulence contre les SHS montre qu’elles touchent un point sensible.
Quand on attaque la recherche, c’est qu’elle menace des intérêts.