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Pierre angulaire de la laïcité, bien que ce mot n’y figure pas, la loi « concernant la séparation des Eglises et de l’Etat », promulguée le 9 décembre 1905, a consacré la consolidation de la République en France. Les principes qu’elle contient – la liberté de conscience, le libre exercice des pratiques religieuses, le non-financement des cultes par l’Etat – apparaissent relever aujourd’hui de l’évidence alors qu’est célébré son 120e anniversaire.

Il n’en allait nullement ainsi à l’époque de son adoption, alors que l’Eglise catholique combattait la République dont l’un des ciments idéologiques était l’anticléricalisme. Le pape Pie X n’avait-il pas alors qualifié le texte de « profondément injurieux vis-à-vis de Dieu » ? Pourtant, l’application libérale du texte allait non seulement solder un contentieux historique ouvert par la Révolution française, mais aussi permettre aux Français, croyants de toutes obédiences ou non-croyants, de vivre en paix religieuse. Commémorer, en 2025, la loi de 1905 consiste donc à célébrer un immense progrès : la conquête d’une liberté fondamentale – celle de croire ou de ne pas croire – et la paix civile que son exercice par tous les citoyens sans exception a permise.

Ce rôle de pacification durable de l’une des principales querelles françaises ne doit pas être oublié au moment où la question religieuse opère un retour remarqué en France comme dans de nombreux pays du monde, mettant au défi la capacité d’arbitrage de l’Etat. Longtemps mise en sourdine, même si les querelles de 1959 et de 1984 sur le statut des écoles privées catholiques avaient rappelé sa force, l’influence des religions est de nouveau sensible, notamment depuis la revendication, à partir de la fin des années 1980, par les populations issues de l’immigration de leur identité musulmane et l’accès de l’islam au statut de deuxième religion de France.

Dans le contexte actuel, marqué à la fois par la montée des rigorismes et des intégrismes de toutes obédiences, par la multiplication des injures et des violences à connotation religieuse, et par l’instrumentalisation d’une conception dévoyée de la laïcité à visée antimusulmane, la loi de 1905 n’est pas seulement un monument historique à célébrer. Ses dispositions établissant l’égalité entre toutes les croyances répondent à ceux qui cherchent à transformer la laïcité en arme de guerre. Ses articles qui affirment la prééminence des lois de la République sur les préceptes religieux répliquent à ceux qui voudraient inverser cette hiérarchie.

Alors que la tolérance envers les signes religieux est plus marquée chez les jeunes, tandis que la banalisation de l’affirmation religieuse dans l’espace public crispe une autre partie de la population, le texte vieux de 120 ans demeure une irremplaçable boussole. Il prévoit en effet de réprimer non seulement toute pression visant à empêcher l’exercice d’une religion, mais aussi celle qui chercherait à la contraindre, fournissant un instrument incomparable, mais méconnu, pour gérer les conflits d’aujourd’hui.

Plutôt que d’incessantes querelles « théologiques » sur la laïcité et des manipulations politiciennes, c’est de mise en œuvre concrète et de pédagogie qu’a besoin la loi de 1905. Non, ce texte ne vise aucune catégorie de croyants. Il est l’ultime garant de la possibilité pour ce pays, où cohabitent chrétiens, juifs, musulmans, agnostiques et non-croyants, de vivre en bonne intelligence. Autant dire qu’il s’agit de l’un des trésors les plus précieux de la République.

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6 commentaires

  1. C’est fascinant de voir comment une loi de 1905 reste aussi pertinente aujourd’hui. Comment la société française a-t-elle évolué autour de ces principes?

  2. Je trouve intéressant que cette loi ait été si controversée à l’époque, alors qu’elle semble évidente aujourd’hui. La laïcité est-elle toujours aussi bien comprise?

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