Listen to the article
Les causes de l’impasse politique dans laquelle nous nous trouvons depuis désormais plus d’un an sont multiples. Parmi elles, la décomposition des partis politiques traditionnels, une radicalisation du paysage politique français, la crise de la démocratie qui frappe de nombreux Etats, l’échec des politiques publiques à changer le quotidien des citoyens, la dissolution aventureuse de l’Assemblée nationale ou même la personnalité d’Emmanuel Macron. Si ces phénomènes ont sans nul doute contribué à la situation actuelle, ils ne doivent pas occulter l’addiction des responsables politiques au présidentialisme majoritaire, cause structurelle de la crise.
Cette addiction se manifeste d’abord par la croyance, très largement répandue au sein de la classe politique, que le présidentialisme – c’est-à-dire la concentration du pouvoir entre les mains d’un chef de l’Etat disposant d’une majorité docile à l’Assemblée nationale – constituerait l’essence même des institutions de la Ve République. C’est tout naturellement que l’interprétation présidentialiste de la Constitution du 4 octobre 1958 s’imposerait, et se départir de cette lecture serait contraire à « l’esprit des institutions ».
Cette croyance est le fruit d’une double confusion. Elle tend d’abord à assimiler la volonté du général de Gaulle, initiateur de la pratique présidentialiste, à l’intention des constituants de 1958. Or, l’élaboration de la Constitution de 1958 ne se réduit pas à l’enregistrement des choix du Général. Elle est le produit de compromis qui n’impliquent guère une pratique présidentialiste qui, elle, n’émerge qu’à partir des années 1960.
Renversement historique
Par ailleurs, cette croyance tend à ignorer que la pratique actuelle s’est éloignée du présidentialisme des origines. Celui-ci était tempéré par la responsabilité directe du chef de l’Etat devant le peuple. En 1969, Charles de Gaulle interpréta l’échec du référendum comme un retrait de confiance et en tira les conséquences en démissionnant. A l’inverse, les appels récents à la démission d’Emmanuel Macron ont été présentés par nombre de ses partisans, dans une forme de renversement historique, comme contraires à « l’esprit » de la Ve République.
Il vous reste 63.57% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
10 commentaires
La crise de la démocratie touche beaucoup de pays, mais la France a-t-elle des spécificités à analyser ?
La concentration du pouvoir en un seul homme est effectivement problématique, mais comment éviter les blocages politiques ?
La crise politique actuelle est profonde, mais le présidentialisme majoritaire est-il vraiment le seul coupable ? Les citoyens ont aussi leur part de responsabilité.
Cela dépend des citoyens. Certains votent par désillusion, d’autres par conviction.
Les institutions sont faites pour évoluer, pas pour être figées dans le temps.
La Ve République a plus de 60 ans, il est peut-être temps de repenser le système politique entier.
Une analyse intéressante, mais on sous-estime souvent le rôle des médias dans la polarisation politique.
Les médias reflètent ou amplifient les divisions, selon leur ligne éditoriale.
Si le présidentialisme majoritaire est un mal, alors pourquoi les partis traditionnels s’y accrochent-ils encore ?
La dissolution de l’Assemblée était-elle vraiment nécessaire, ou une tentative de garder le contrôle ?