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LETTRE DE PÉKIN

Milieu de l’été 2024. L’université Sheffield Hallam, dans le centre de l’Angleterre, est confrontée à une crise grave. « Essayer de conserver le business en Chine et la publication de ces recherches sont devenus incompatibles », lit-on dans des e-mails internes de cette période. En cause, les travaux menés par une professeure spécialisée dans les droits de l’homme et le travail forcé, Laura Murphy, et son équipe. La chercheuse, née en Louisiane, aux Etats-Unis, terre d’esclavage, s’est intéressée par le passé à toutes les formes de travail forcé, historique et moderne. Ces dernières années, elle s’est focalisée sur la situation des Ouïgours et autres minorités musulmanes du Xinjiang, une région de l’ouest de la Chine.

Après que Pékin y a mis en place des camps d’internement et d’endoctrinement de masse autour de 2016, les témoignages obtenus par la presse internationale et les ONG plus récemment font état d’une situation où la population locale ne peut refuser les programmes d’emploi instaurés par l’Etat chinois sous prétexte de lutte contre la pauvreté. Mme Murphy a travaillé sur l’imbrication des chaînes d’approvisionnement mondiales avec ce système, dans le coton, dans les composants de panneaux solaires, les appareils électroniques ou encore pour l’industrie automobile. Elle préparait un nouveau rapport à publier à l’automne 2024, cette fois sur des minerais critiques dans la nouvelle économie (tels que le titane et le lithium), produits notamment au Xinjiang.

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12 commentaires

  1. La Chine semble considérer que défendre les droits de l’homme est une ingérence dans ses affaires intérieures. Comment concilier commerce et éthique ?

    • C’est effectivement difficile à croire, mais malgré tout, c’est notre monde actuel. La Chine semble de plus en plus déterminée à imposer sa vision au reste du monde.

  2. La censure exercée par la Chine ne se limite pas aux médias locaux. Quand même, refuser une publication académique parce qu’elle critique le régime, c’est un pas de plus dans l’autoritarisme.

  3. Les entreprises européennes et américaines en savent probablement plus qu’elles ne le disent. Le silence sur cette question est assez éloquent.

  4. Les e-mails internes de l’université montrent clairement le dilemme entre garder des partenariats lucratifs avec la Chine et la liberté de recherche. Une situation digne d’un thriller politique.

  5. Sophie R. Durand le

    Travailler sur le travail forcé des Ouïgours semble être devenu un tabou absolu. Les entreprises et même les universités ont peur de s’y attaquer de front.

    • C’est dommage, car cette sensibilité est pourtant cruciale pour mobiliser les actionnaires des entreprises qui profitent de ces chaînes d’approvisionnement opaques.

  6. Cette situation montre encore une fois la pression exercée par la Chine sur les institutions étrangères qui osent critiquer ses politiques. C’est inquiétant pour la liberté académique.

    • Louis W. Bernard le

      On voit bien que Pékin utilise tous les moyens pour étouffer les voix critiques, y compris en manipulant les budgets des institutions académiques.

    • Exact, et cela rappelle les tensions entre profit économique et drogues de l’homme. Une université doit-elle sacrifier sa liberté de recherche pour des partenariats financiers ?

  7. Le coton du Xinjiang est souvent cité comme exemple de la façon dont le monde occidental profite indirectement de ces systèmes. La professeure Murphy a fait un travail important.

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