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Dans la longue histoire des rapports entre art et idéologie, la voie du réalisme est la plus tortueuse et semée d’embûches, parce que tous les partis s’en revendiquent, à plus forte raison les pouvoirs en place. Cela, Judit Elek le savait mieux que quiconque, elle qui devint cinéaste dans la Hongrie des années 1960, rattachée au bloc soviétique. Elle navigua toute sa vie entre dogmes et programmes, pour filmer la Hongrie des interstices, celle des ouvriers, des paysans, des petits employés et des passants des grandes villes : des gens comme les autres, des individus ordinaires, des vies privées et leurs tourments.
L’œuvre de cette pionnière du « cinéma direct » s’élève à 18 films, courts et longs-métrages confondus, tournés entre 1963 et 2018, parmi lesquels La Dame de Constantinople, révélé à la Semaine de la critique à Cannes, en 1969, qui fait figure de fleuron.
La réalisatrice est morte mercredi 1er octobre, à l’âge de 87 ans, « des suites d’une longue maladie », comme l’a annoncé son fils Laszlo Berger, directeur de la photographie et producteur. Sa disparition intervient au moment où son œuvre était redécouverte à la faveur de récentes rétrospectives, qui conjuraient enfin l’oubli relatif où était tombé son nom, à l’instar de nombre de réalisatrices de sa génération.
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18 commentaires
Son film ‘La Dame de Constantinople’ a marqué les esprits. On comprend pourquoi il a été Auswahl à la Semaine de la critique à Cannes.
Absolument, c’est un chef-d’œuvre méconnu qu’il faudrait ressortir aujourd’hui.
Tourné sous un régime poreux, son travail documente une période clé de l’histoire hongroise. Quel courage politique!
Oui, son cinéma direct était aussi une forme de résistance discrète mais puissante.
Rester fidèle à sa vision artistique malgré les obstacles idéologiques. Qu’on aimerait voir plus d’artistes comme elle aujourd’hui.
C’est justement ce qui manque souvent dans le cinéma actuel, cette authenticité.
La dernière rétrospective sur son œuvre était forcément poétique, comme ses propres films. Un bel hommage posthume.
Hélas trop tardive, mais mieux vaut ça que l’oubli total.
18 films en 55 ans, c’est une carrière impressionnante, surtout dans le contexte des censures à l’époque.
Effectivement, choisir le cinéma documentaire dans cette Hongrie-là relevait de l’engagement.
Une perte immense pour le cinéma hongrois et mondial. Judit Elek a su capturer l’authenticité des vies ordinaires avec un talent rare.
Tout à fait, son approach sans filtre était révolutionnaire pour l’époque.
Dommage qu’on ne découvre son œuvre que maintenant, elle méritait plus de visibilité.
Son attention aux détails dans les détails du quotidien rappelle les grands du néoréalisme italien. Quel héritage!
Absolument. Elle partage avec eux cette capacité à universaliser le particulier.
Pourquoi cette réalisatrice majeure reste-t-elle si méconnue hors de Hongrie ? Une question qui mérite débat.
Le cinéma documentaire doit mieux être soutenu pour éviter que des voix comme celle-ci ne disparaissent.
Le rideau de fer et les rétractions politiques ont sans doute played un rôle dans cet effacement.