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La Suisse est-elle autant un enfer pour les journalistes d’investigation qu’un paradis fiscal pour les plus fortunés ? C’est ce qu’a fait craindre le vote, en 2015, d’une loi qui a élargi le périmètre du secret bancaire, en menaçant de cinq ans de prison les journalistes qui exploitent des données bancaires confidentielles dans leurs articles, même pour révéler des faits d’intérêt public.

Si la réforme de l’article 47 de la loi bancaire suisse a valu à la Confédération de nombreux reproches, elle n’avait jusqu’à présent presque jamais été mise à l’épreuve. La banque Reyl l’a fait en déposant, le 8 avril 2025, une plainte sur ce fondement pour tenter de dissuader Le Monde et plusieurs médias partenaires de publier une enquête détaillant ses négligences vis-à-vis de l’argent sale et certains de ses clients sulfureux (familles d’autocrates et oligarques, personnalités liées à la mafia calabraise).

Bien que la plainte ait été officiellement dirigée contre X, elle visait en creux les journalistes, soupçonnés d’avoir appuyé leur enquête sur des données internes de la banque obtenues de façon illégale. Reyl a même demandé au parquet de Genève de mener une perquisition chez Sylvain Besson et Christian Brönnimann – deux journalistes d’investigation suisses du groupe Tamedia (Tribune de Genève, Tages-Anzeiger, 24 Heures) qui travaillaient également sur la banque en coopération avec le consortium – en vue d’identifier leurs éventuelles sources. Plusieurs journalistes non suisses potentiellement visés par la plainte avaient choisi de ne plus se rendre en Suisse, de peur d’être arrêtés.

Intérêt privé contre intérêt public

Le procureur général Olivier Jornot a opposé, le 18 novembre, une fin de non-recevoir très nette à la banque genevoise, en refusant d’ouvrir une enquête sur la supposée violation de l’article 47 susmentionné. Reyl n’ayant pas déposé de recours contre cette ordonnance, aucune suite ne sera donc donnée à sa plainte. Dans son « ordonnance de non-entrée en matière » obtenue par Tamedia, et que Le Monde a pu consulter, le haut magistrat rappelle que « la protection des sources journalistiques » est « absolue », et estime qu’« une condamnation pénale des journalistes ne saurait constituer une mesure nécessaire dans une société démocratique ».

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