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Elles sont censées acter le retour de la démocratie en Birmanie. Mais les élections législatives, organisées à l’initiative de l’armée au pouvoir et ouvertes depuis le dimanche 28 décembre, suscitent de nombreuses critiques tant elles apparaissent restreintes et contrôlées.
Près de cinq ans après avoir pris le pouvoir par un coup d’Etat qui a déclenché une guerre civile, le chef de la junte, Min Aung Hlaing, s’est rendu dimanche dans un bureau de vote de la capitale, Naypyidaw, selon un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP). Le général a voté aux côtés d’autres militaires dans les premières heures d’un scrutin en plusieurs phases, que des défenseurs des droits humains considèrent comme une manœuvre pour prolonger la mainmise de la junte sur la Birmanie.
L’ancienne dirigeante et prix Nobel de la paix en 1991, Aung San Suu Kyi, est toujours emprisonnée et son parti a été dissous après le coup d’Etat militaire de février 2021, qui a refermé la parenthèse démocratique dans le pays. Les Nations unies (ONU) et de nombreux pays occidentaux et défenseurs des droits humains ont condamné ce scrutin échelonné sur un mois, dénonçant notamment la répression de tout semblant d’opposition.
Le Parti de l’union, de la solidarité et du développement (USDP), favorable aux militaires, devrait arriver largement en tête, ce que les critiques considèrent comme un moyen détourné de pérenniser le régime militaire.
Des territoires absents du scrutin
Peuplée d’environ 50 millions d’habitants, la Birmanie est déchirée par une guerre civile et les élections ne se tiendront pas dans les larges zones tenues par les rebelles. Alors que la junte menait une vaste offensive pour reprendre des territoires, la campagne électorale n’aura vu aucun des grands rassemblements populaires qu’Aung San Suu Kyi suscitait autrefois.
« L’élection est très importante et apportera le meilleur au pays », a déclaré à l’AFP Bo Saw, le premier électeur à voter à l’aube dans un bureau du quartier de Kamayut à Rangoun, près de la maison d’Aung San Suu Kyi.
« Il est impossible que cette élection soit libre et équitable », a estimé, de son côté, Moe Moe Myint, âgée de 40 ans, qui fuit depuis deux mois les frappes aériennes de l’armée. « On est sans abri, cachés dans la jungle, entre la vie et la mort », a-t-elle expliqué.
A Myitkyina, dans le nord du pays, un homme de 33 ans, qui a demandé à rester anonyme pour des raisons de sécurité, estime que « les militaires essaient juste de légaliser le pouvoir qu’ils ont pris par la force ». Il n’a pas l’intention de participer au vote, que le chef de la junte, Min Aung Hlaing, présente régulièrement comme une étape vers la réconciliation nationale.
L’armée a dirigé la Birmanie depuis son indépendance en 1948, en dehors d’un interlude démocratique entre 2011 et 2021, qui avait suscité une vague de réformes et d’optimisme pour l’avenir du pays d’Asie du Sud-Est. Mais quand la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi a largement devancé les candidats proches des militaires aux élections de 2020, le général Min Aung Hlaing s’est emparé du pouvoir, invoquant une fraude électorale généralisée.
« Un climat de violence et de répression », selon l’ONU
Agée de 80 ans, Aung San Suu Kyi purge une peine de vingt-sept ans de prison pour plusieurs condamnations allant de la corruption à la violation de règles anti-Covid. « Je ne pense pas qu’elle considérerait ces élections comme significatives, pas du tout », a déclaré son fils, Kim Aris, depuis le Royaume-Uni.
Selon le Réseau asiatique pour des élections libres, les noms des partis qui avaient remporté 90 % des sièges lors des derniers scrutins ne figurent pas cette fois sur les bulletins de vote après avoir été dissous par la junte. Cette dernière a annoncé poursuivre plus de 200 personnes pour avoir « tenté de saboter le processus électoral », ciblant toute manifestation ou même critique sur ces législatives, qui ne pourront pas se tenir dans environ une circonscription sur six de la chambre basse du Parlement.
« Ces élections se déroulent clairement dans un climat de violence et de répression », a déclaré dans la semaine le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk.
La deuxième phase du scrutin doit avoir lieu dans deux semaines, avant une troisième et dernière le 25 janvier.







15 commentaires
La communauté internationale devrait imposer des sanctions plus strictes contre cette mascarade électorale.
Malheureusement, les sanctions existantes ne semblent pas suffire à faire bouger les choses.
Ces élections en Birmanie semblent davantage être une farce qu’une réelle transition démocratique.
Effectivement, l’absence d’opposition crédible remet en cause la légitimité de ce processus.
La junte cherche simplement à légitimer son pouvoir par une voie démocratique factice.
Pourquoi les Nations Unies n’interviennent-elles pas davantage dans cette crise politique?
Les mécanismes de l’ONU sont souvent lents et inefficaces face à des régimes autoritaires.
Pourquoi les médias internationaux ne parlent-ils pas plus de cette situation en Birmanie?
Certaines crises semblent éclipsées par d’autres sujets plus médiatisés.
La junte montre une fois de plus son mépris pour les droits fondamentaux des Birmans.
C’est une violation flagrante de la liberté d’expression et de représentation.
La situation en Birmanie est une triste confirmation que les coups d’État peuvent durablement fermer la porte à la démocratie.
C’est malheureusement un schéma que l’on observe dans plusieurs pays où les militaires s’emparent du pouvoir.
Quels impacts ces élections pourraient-elles avoir sur les investissements étrangers en Birmanie, surtout dans le secteur minier?
Les investisseurs sont probablement réticents à s’engager dans un pays où le processus démocratique est aussi biaisé.