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Livre. Si la mort tragique de Mufasa dans Le Roi Lion vous a ému, ce qui va suivre pourrait être douloureux. Car, pour le géographe William Adams, l’odyssée royale de Simba offre un exemple pur et parfait de rapport colonial à la nature, avec son biotope réduit à un éden sans histoire ni humains et ses lions héroïsés comme les administrateurs immuables et charismatiques d’un empire de sujets passifs. C’est ce qu’il explique dans un article de 2003 traduit pour la première fois et publié dans Empires. Une histoire sociale de l’environnement (CNRS Editions, 432 pages, 27 euros), une anthologie dirigée par les historiens environnementaux Guillaume Blanc et Antonin Plarier.
Par sa popularité, Le Roi Lion révèle aux yeux de William Adams la « singulière puissance » des idéologies colonialistes de l’environnement. L’examen de ce legs à la fois influent et toxique compte justement parmi les plus captivantes avancées permises par une discipline, l’histoire environnementale. Et, en particulier, d’une branche, qui s’intéresse au rapport des empires à la nature. Ce champ d’étude très anglophone s’est jusqu’ici développé loin de l’Hexagone, et c’est en quelque sorte pour rattraper le temps perdu que Guillaume Blanc et Antonin Plarier ont imaginé cet ouvrage rassemblant neuf textes – la plupart datant des années 2000 – en guise de panorama des acquis de ce domaine à la croisée du social et de l’environnement.
Le cas du figuier de Barbarie
La vitalité de l’approche tient à la pluralité des regards qu’elle propose. Des monographies resituent le sujet depuis les conflits, le regard des dominés et, enfin, celui… des plantes. Ainsi de l’étonnant cas du figuier de Barbarie traité par la chercheuse Karen Middleton. La plante, originellement américaine, a été introduite à Madagascar par les Français à l’occasion d’une éphémère colonie, autour de 1770. Cet exemple de colonialisme botanique est particulièrement insolite, puisque ce cactus va devenir une ressource essentielle pour les locaux et essaimer dans tout le Sud malgache, au point de former une barrière infranchissable lorsque les troupes coloniales françaises voudront reconquérir la région, au début du XXe siècle.
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15 commentaires
L’article donne envie de lire l’ouvrage complet. Espérons qu’il soit traduit en français prochainement.
Cette anthologie doit effectivement être accessible au plus grand nombre, surtout sur un sujet aussi pertinent.
Un retour critique sur des récits qui ont marqué des générations. Essentiel pour questionner nos perceptions.
Absolument, c’est le rôle même de l’histoire que de remettre en question nos récits fondateurs.
L’histoire environnementale semble être un domaine riche en découvertes. Dommage qu’il soit si peu connu en France.
C’est vrai, et pourtant c’est une discipline qui pourrait nous aider à comprendre bien des enjeux actuels.
La colonisation a souvent été présentée sous un angle romantisé, comme dans Le Roi Lion, mais l’article rappelle sa réalité plus sombre.
Exact, c’est important de déconstruire ces imaginaires pour mieux comprendre notre héritage historique.
Intéressant de voir comment les empires ont instrumentalisé la nature pour justifier leur domination.
Oui, et cela continue encore aujourd’hui sous d’autres formes, avec les mêmes effets pervers.
J’ai été surpris par la critique du Roi Lion, je n’avais jamais vu le film sous cet angle. À creuser.
C’est effectivement une lecture inédite, mais qui s’inscrit dans une tradition académique solide.
Cet article met en lumière des aspects méconnus de l’histoire coloniale à travers la nature. Fascinant le lien avec des récits populaires comme Le Roi Lion.
C’est vrai, mais on oublie souvent l’impact durable de ces idéologies sur les territoires concernés.
Oui, c’est une analyse intéressante qui montre comment le cinéma peut refléter des idéologies plus profondes.