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Livre. C’est une formule si courante qu’elle en est emblématique de la persistance de l’intolérance. Une phrase commençant par « Je ne suis pas raciste mais… » annonce à coup sûr l’expression d’un cliché révélateur de préjugés, tout en cherchant à exempter par avance son auteur de tout soupçon. Keon West, professeur britannique de psychologie sociale, a fait de ces quelques mots suspendus le titre de son nouveau livre, traduit par les éditions Belfond (368 pages, 21,50 euros). Partant du constat que beaucoup semblent penser qu’il s’agit d’un problème appartenant au passé, il montre que le racisme se manifeste de manière insidieuse, bien au-delà d’un groupe précis de la population.
« Le racisme est loin d’être l’apanage des gens peu intelligents », au contraire, bon nombre « font usage de leur intelligence pour excuser ou justifier leurs préjugés (…) tout en trompant leur entourage », souligne Keon West. Le chercheur de l’Ecole d’économie et de sciences politiques de Londres a pleinement conscience qu’un grand nombre de lecteurs aborderont son texte avec distance, convaincus que la question du racisme et des discriminations ne les concerne pas. Alors, pour en montrer la réalité, il ne cesse de les apostropher, pour sonder leur sentiment de malaise face à divers scénarios. Son objectif ? Leur « faire renoncer à cette belle assurance » et leur tendre un miroir sans les accabler. Car si « le racisme pullule de manière significative, permanente, invasive et détectable », Keon West montre toute la difficulté liée à l’étude de l’intolérance : « Aucun individu ne veut admettre » la pratiquer.
Ce déni relève de ce que certains chercheurs appellent un « racisme aversif », terme qui émerge dans les années 1980. Keon West en donne la définition suivante : « Une forme de discrimination caractérisant les pensées, les sentiments et les comportements de [personnes blanches] bien intentionnées et apparemment dénuées de préjugés. » Une double aversion est à l’œuvre : envers les personnes racistes et envers les minorités ethniques. Il concerne ceux qui sont profondément opposés au racisme et convaincus qu’eux-mêmes ne nourrissent aucun préjugé. Autrement dit, l’individu est raciste aversif en dépit de lui-même. Le terme renvoie à un phénomène bien réel, insiste l’universitaire, mais il préfère employer l’expression, plus précise selon lui, de « racisme conflictuel », qui renvoie précisément à « une contradiction profonde, un vrai conflit intime » et qui s’exprime dans des « situations suffisamment floues » pour qu’on puisse expliquer un comportement raciste en faisant comme s’il avait une autre origine.
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12 commentaires
Le racisme systémique n’est pas toujours évident. Ce livre semble important pour prendre conscience des mécanismes invisibles.
Oui, c’est souvent dans le quotidien que les petites injustices s’accumulent.
Mais change-t-il réellement les mentalités ? Je reste sceptique.
Ces « Je ne suis pas raciste, mais… » trahissent souvent une tolérance secrète pour certains préjugés.
Exactement, c’est une façon de légitimer des idées discriminatoires.
Un sujet délicat, mais nécessaire. J’espère que cette analyse aidera à briser certains tabous.
Les clichés racistes persistants, même chez les personnes éduquées, montrent à quel point le combat contre les préjugés est nécessaire.
Le titre du livre résume parfaitement l’hypocrisie de certains discours sur le racisme.
L’auteur a raison : beaucoup pensent que le racisme est un problème du passé, alors qu’il est toujours bien présent.
Intéressant de voir comment l’intelligence peut parfois renforcer les stéréotypes au lieu de les combattre.
Les préjugés raciaux sont souvent plus subtils qu’on ne le pense. Ce livre semble éclairage sur la façon dont ils persistent dans nos discours.
Tout à fait, la méfiance doit s’exercer aussi sur nos propres biais.