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L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, gracié le 12 novembre par l’Algérie après un an de prison, s’est exprimé pour la première fois depuis sa libération, dimanche 23 novembre, sur France 2. Retrouver une vie d’homme libre est « compliqué », a tout d’abord déclaré Boualem Sansal. « On retrouve la vie, des senteurs, des murmures, des choses qu’on ne comprend pas très bien », a expliqué l’écrivain, âgé de 81 ans, qui s’est dit « en bonne santé » après avoir été traité « de manière tout à fait remarquable » pour son cancer de la prostate.

Il a affirmé « contrôler chacun de [ses] mots » en raison du contexte diplomatique entre Paris et Alger et « penser à Christophe Gleizes », journaliste sportif français toujours détenu en Algérie. « Je ne vous parle pas de manière naturelle, parce que naturellement, je suis plutôt exubérant, là je contrôle chacun de mes mots », a-t-il souligné. « Je pense à Christophe Gleizes, il n’est pas le seul, il y a plusieurs dizaines de détenus politiques », a-t-il ajouté.

« J’ai peur pour ma famille, pour mon épouse, si je reviens en Algérie. Je pense à mes compagnons de cellule, qui risquent d’être questionnés, que savent-ils, que leur ai-je dit ? », a-t-il poursuivi.

Revenant sur ses conditions de détention, l’écrivain a souligné que « la vie est dure dans une prison », que « le temps est long », qu’on « se fatigue, s’épuise et très vite on se sent mourir ». Il a également exprimé sa sidération quand il a été arrêté en 2024 en Algérie. « En sortant de l’aéroport, ils m’ont passé une cagoule sur la tête (…) et pendant six jours je n’ai pas su où j’étais ni à qui j’avais affaire. »

Il a dit avoir appris sa libération seulement « la veille », après une rencontre en prison avec « un monsieur très autoritaire », qu’il pensait être un membre « des services secrets » ou « un personnage très important ». « Il disait toujours : “Dans l’hypothèse où vous sortez, est-ce que vous allez continuer vos critiques sur l’Algérie” ? J’ai dit “Monsieur, je n’ai jamais critiqué l’Algérie, je critique un régime, je critique des gens, je critique une dictature” », a raconté l’écrivain.

Boualem Sansal a par ailleurs estimé, dans un entretien au Figaro publié dimanche soir, que sa détention en Algérie était liée principalement aux positions de la France sur le Sahara occidental. « J’ai vite compris que c’est la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par la France (…) et mon amitié avec Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France (…), qui étaient la cause de cette histoire », a-t-il affirmé au quotidien. Sur France 2, il a assuré : « Je suis depuis toujours pour la réconciliation entre la France et l’Algérie ». « Soixante années sont passées, on est encore en train d’utiliser des discours de la guerre de libération », a-t-il déploré.

Paris et Alger sont embourbés dans une crise déclenchée en juillet 2024 lorsqu’Emmanuel Macron a apporté son soutien à un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par des indépendantistes soutenus par Alger.

Reçu par Emmanuel Macron dès son retour

Boualem Sansal a également affirmé que Bruno Retailleau était son « ami » même s’il a admis que l’ex-ministre de l’intérieur, très ferme face à l’Algérie, avait pu être « d’une certaine manière » un obstacle à sa libération : « D’une certaine manière, oui, parce qu’il offrait à l’Algérie l’occasion de rebondir sur : “Regardez, c’est notre ennemi, ils nous détestent, etc.” Mais avec ou sans Bruno Retailleau, ils auraient réagi de la même manière avec n’importe qui. »

Incarcéré en Algérie pendant un an, Boualem Sansal a retrouvé la liberté le 12 novembre. Il a été gracié par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, qui a répondu favorablement à une demande des autorités allemandes. L’écrivain est rentré en France mardi, après avoir été transféré à Berlin pour des soins médicaux. Il a été reçu par Emmanuel Macron dès son retour.

Boualem Sansal avait été condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale » à la suite de propos tenus en octobre 2024 au média français d’extrême droite Frontières. Il y affirmait que l’Algérie avait hérité sous la colonisation française de certaines régions de l’ouest du pays, notamment Oran et Mascara, qu’il estimait avoir appartenu auparavant au Maroc.

Figure primée de la littérature francophone nord-africaine, Boualem Sansal est connu pour ses critiques à l’égard des autorités algériennes et des islamistes. Son incarcération avait envenimé une brouille entre Paris et Alger déclenchée en juillet 2024 lorsque la France a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

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