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Mémoire de fille, version française incarnée au Théâtre des Abbesses, à Paris, par la très vive Suzanne de Baecque, est née dans l’élan d’une précédente version. Allemande, celle-ci, et portée à la scène dès 2022 à la Schaubühne de Berlin par l’actrice Veronika Bachfischer.
Mémoire de fille est un roman autobiographique d’Annie Ernaux, publié en 2016, dans lequel deux versions de l’écrivaine coexistent qui forment un corps solidaire lorsque Ernaux, soixante ans après les faits racontés, saisit la main d’Annie Duchesne (son nom à 17 ans), pour la hisser à ses côtés et consoler sa peine, reconnaître en elle une victime et, par l’énoncé de ce mot, réparer ses propres blessures.
Il est important ce récit de vérité dans lequel une femme parvient à s’extirper de la honte et de la culpabilité en basculant une faute qu’elle croyait sienne de ses épaules à celles de l’amant : un moniteur de colonie de vacances qui, en 1958, impose à Annie encore vierge les modalités, par lui seul décidées, d’un rapport sexuel. Elle pensait alors cette étreinte consentie. Il lui faudra des années pour comprendre ce qu’elle a subi. Et s’expliquer les suites : anorexie, arrêt des règles, sentiment d’être une moins que rien, tête basse devant ce « putain » dont la gratifie, à l’époque, la bêtise crasse de ses camarades.
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13 commentaires
Intéressant de voir comment le théâtre peut prolonger l’autobiographie d’une autrice aussi marquante qu’Annie Ernaux.
Le théâtre a ce pouvoir unique de donner vie aux mots, c’est frappant ici.
Une adaptation théâtrale qui semble être à la hauteur du poids du texte original d’Ernaux.
ERNaux a un style si puissant que toute adaptation doit être à la hauteur.
Je me demande comment Suzanne de Baecque parvient à incarner deux versions d’une même personne à la fois si différentes.
Une question pertinente, la performance doit être aussi subtil que complexe.
Un récit bouleversant sur le parcours d’Annie Ernaux, porté à la scène avec beaucoup de sensibilité par Suzanne de Baecque.
La lecture d’Ernaux est déjà un voyage émotionnel, l’adaptation théâtrale doit l’être tout autant.
Exactement, cette pièce nous rappelle l’importance de la parole libératrice.
Le fait que cette pièce ait commencé en allemand à Berlin avant d’arriver à Paris est un beau symbole d’universalité.
Effectivement, les thèmes abordés par Ernaux sont universels, au-delà des frontières.
Ce récit est un exemple poignant de la manière dont les récits personnels peuvent guérir.
Tout à fait, l’écriture comme thérapie, et le théâtre comme prolongement.