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Les syndicats et des journalistes du Parisien ont dénoncé une « censure pure et simple » de leur direction, mercredi 11 décembre, après l’annulation d’une interview prévue avec le procureur national financier, Jean-François Bohnert, chargé de dossiers sensibles dont l’enquête sur le financement libyen qui a valu à Nicolas Sarkozy d’aller en prison.
Dans une lettre ouverte à l’ensemble de leurs collègues, que l’Agence France-Presse (AFP) a pu consulter, les journalistes du service des informations générales ont fait part de leur « immense stupéfaction après la décision unilatérale du directeur des rédactions », Nicolas Charbonneau, « d’annuler [cette] interview » prévue mercredi avec le procureur Bohnert, « à vingt-quatre heures de l’échéance ».
Selon eux, les sujets à évoquer ne manquaient pas, comme la sortie du livre de Nicolas Sarkozy sur son expérience de la prison, « dans lequel il évoque à plusieurs reprises le PNF [Parquet national financier] », chargé de l’accusation dans le procès sur le financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. « Cette décision apparaît comme une censure pure et simple d’un magistrat responsable de la lutte contre la corruption dans le pays », écrivent les journalistes. Le PNF a confirmé à l’AFP que l’entretien a été annulé « la veille pour le lendemain ».
Le directeur des rédactions défend « une décision éditoriale »
Dans un e-mail interne aux salariés envoyé en début de soirée, et consulté par l’AFP, le directeur des rédactions du journal a contesté toute « censure » et a défendu « une décision éditoriale » prise le 4 décembre « sur un seul critère “journalistique”, celui de rester un média qui propose des contenus et entretiens exclusifs ». Au cours d’une conférence de rédaction hebdomadaire, « il a été rapporté [que Jean-François Bohnert] faisait ses adieux du PNF et qu’il était effectivement “un peu partout” dans la presse, ce qui m’a poussé publiquement à m’interroger », écrit Nicolas Charbonneau.
« J’ai souligné que nous n’avions pas franchement l’habitude de passer après tout le monde dans une séquence médiatique, et qu’en conséquence nous pouvions “passer notre tour” », ajoute-t-il. Il concède toutefois « une erreur dans la chaîne de communication qui a suivi cette conférence » ayant mené au fait que cette décision « n’était tout simplement pas parvenue au journaliste à l’origine de cette proposition ».
Les journalistes ont reçu le soutien de la société des journalistes, qui y a vu un « fait particulièrement grave » et parle aussi de « censure ». « Cette annulation d’une interview pourtant annoncée et programmée semble obéir à une logique sans rapport avec la vocation d’informer d’un titre tel que Le Parisien », ont renchéri les syndicats SGJ-FO, SGLCE-CGT, SNJ et SNJ-CGT dans un autre communiqué.
En difficulté financière, Le Parisien/Aujourd’hui en France va faire l’objet d’une recapitalisation à hauteur de 150 millions d’euros de la part de LVMH, appartenant au milliardaire Bernard Arnault. Cette annonce le 21 novembre a donné de l’air au journal, où la rédaction s’est inquiétée des rumeurs évoquant une possible vente au milliardaire ultraconservateur Vincent Bolloré.








3 commentaires
Les journalistes ont raison de dénoncer cette censure, surtout quand elle concerne un procureur en charge de la lutte contre la corruption.
Cette décision de censure au Parisien soulève des questions sur l’indépendance éditoriale des médias.
Je suis surpris par cette annulation au dernier moment, surtout pour un sujet aussi sensible.