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Sénatoriales : i couve ti poule, i sorte ti canard

A quelques jours du scrutin des sénatoriales, les pronostics vont bon train au sein des états-majors politiques, le tout agrémenté de son traditionnel cortège de la di la fé.
Deux sièges de sénateurs pour Michel Fontaine ? Peut-être trois ? Un seul ou deux pour Ericka Bareigts ? Un, voire même zéro pour Huguette Bello ? Tout comme pour Michel Vergoz ? Toutes les combinaisons sont encore possibles.

Ecrit par Pierrot Dupuy – le mardi 19 septembre 2023 à 16H07, mis à jour le mardi 19 septembre 2023 à 16H48

Rappelons trois points importants. Tout d’abord, il s’agit d’un scrutin à la proportionnelle, au plus fort reste, et qui ne concerne qu’une catégorie restreinte de la population, les élus (municipaux, départementaux et régionaux) augmentés de personnalités de la société civile choisis à la proportionnelle par chaque collectivité en fonction du poids de chaque groupe.

Sur le papier, et si on ne devait tenir compte que du poids apparent de chacun, la liste concoctée par Michel Fontaine devrait remporter deux sièges, celle d’Ericka Bareigts et d’Huguette Bello, un.

Sauf qu’il y a une expression qui revient en boucle, quel que soit le parti avec qui on discute : « Aux sénatoriales, i coule ti poule, i sorte ti canard ». Autrement dit, profitant de l’anonymat de l’isoloir, il est courant que certains grands électeurs ne respectent pas les consignes de vote de leurs maires. Soit pour manifester leur ressentiment envers leur chef de file, soit au nom d’intérêts divers (camaraderie d’enfance, amitiés associatives ou fraternelles…), soit qu’ils se soient fait acheter.

J’entends déjà les hurlements : « Comment, des élus se faire acheter ? ». Oui, bien sûr. C’est même courant. La méthode est simple et certains barons politiques en ont fait une spécialité. On se vend pour « un ti monnaie » ou « un ti graton » comme on dit, mais aussi contre un emploi pour le petit dernier qui est au chômage (si possible un travail pas trop fatiguant et bien payé), ou contre un déclassement de terrain. Les possibilités sont multiples.

C’est ce qui explique la deuxième « règle » des sénatoriales : « L’élection se gagne dans la dernière semaine, voire les dernières 48h ». Comprenez : au moment où ceux qui en ont les moyens sortent le carnet de chèque.

Vous comprenez dès lors pourquoi tout pronostic est difficile.

Ajoutez à ça les dissensions internes à chaque grosse liste. Il est de notoriété publique que de nombreux élus comptent bien faire payer à Michel Fontaine sa supposée trahison envers Didier Robert aux régionales. Les sénatoriales, c’est l’occasion rêvée pour beaucoup de régler leurs comptes.

Autre reproche fait à Michel Fontaine, sa supposée proximité avec Ericka Bareigts et Nassimah Dindar. Ses détracteurs en voient la preuve dans la présence de Nassimah Dindar en troisième position sur la liste de Droite, alors même qu’elle est élue à Saint-Denis sur la liste socialiste et qu’elle a soutenu Ericka Bareigts aux régionales.

Enfin, Michel Fontaine a longtemps souhaité constituer une liste « sudiste » avec Viviane Malet en tête de liste, suivie par Serge Hoareau, le maire de Petite Ile. Un casus belli pour beaucoup. Finalement, Michel Fontaine a cédé et remplacé Serge Hoareau par Stéphane Fouassin mais il n’est pas dit que tous les ressentiments aient disparu. D’autant qu’on ne sait pas comment Serge Hoareau a pris son éviction.

Heureusement pour lui que Cyrille Melchior s’est pleinement investi dans la dernière partie de la campagne. Il a su, avec son calme naturel et sa proximité avec de nombreux élus, calmer les plus virulents. Bien aidé, il faut le reconnaître, par les moyens du Département. Les maires vont bientôt entrer en campagne électorale pour le renouvellement de leurs mandats. S’ils veulent être réélus, il leur faut présenter un bon bilan et des réalisations. Or, qui distribue les subventions ? La Région et le Département. CQFD…

Cette intervention de Cyrille Melchior aura-t-elle été suffisante pour ramener toutes les brebis égarées dans le droit chemin ? Réponse dans les urnes dimanche soir.

La guerre des Gauches est déclarée

Arrivés à ce point de ma démonstration, vous seriez en droit de penser que les chances de la Droite sont nulles et que la Gauche va donc largement l’emporter. Rien n’est moins sûr tant les divisions à Gauche sont encore plus marquées qu’à Droite.

Huguette Bello a multiplié les maladresses au cours de cette campagne. Ce qui est étonnant et pas du tout dans ses habitudes.

Rappelez-vous, il y a d’abord eu l’épisode Wilfrid Bertile longtemps donné, selon les versions, comme tête de liste ou comme n°2.

L’ancien député-maire de Saint-Philippe, aujourd’hui un des piliers de la majorité d’Huguette Bello à la Région, se voyait déjà élu au Palais du Luxembourg. Jusqu’à ce qu’il apprenne qu’il était complètement écarté de la liste ! Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas apprécié. Il ne pèse pas beaucoup de voix mais beaucoup n’ont pas apprécié la méthode.

Patrick Lebreton est un autre poids lourd de la majorité présidentielle à la Région à en avoir gros sur le cœur. Il a longtemps cru que c’était un de ses élus qui occuperait la deuxième place sur la liste d’Huguette Bello, à la place de Wilfrid Bertile. C’était sans compter le pressing fait par Joe Bédier dans la dernière ligne droite. Et c’est le maire de Saint-André qui est sorti vainqueur des arbitrages et qui a placé son poulain Laurent Papaya en deuxième position. Connaissant le caractère de Patrick Lebreton, pas sûr qu’il ait bien pris cette décision d’Huguette Bello.

Ericka Bareigts en position de force

En l’état des choses, c’est donc Ericka Bareigts qui est en position de tirer les marrons du feu. Elle a su fédérer autour d’elle des maires qui ne lui étaient pas nécessairement acquis au départ. Si la présence de Patrice Selly peut se comprendre, ils avaient déjà fait liste commune aux Régionales, les soutiens d’Olivier Hoarau, le maire du Port, et de Jacques Técher, celui de Cilaos, sont beaucoup plus surprenants.

A quoi faut-il s’attendre dimanche soir ? Il est quasiment acquis que les listes de Michel Fontaine (Viviane Malet) et d’Ericka Bareigts (Audrey Belim) auront chacun au moins un élu.

Le 3ème siège devrait également revenir à la liste de Droite (Stéphane Fouassin), même si ce n’est pas certain.

Reste le dernier siège. Un élu pour Huguette Bello (Evelyne Corbière) ? Un deuxième pour Ericka Bareigts (Jean-Louis Vital) ? Un troisième pour Michel Fontaine (Nassimah Dindar) ? Ou bien un outsider comme Michel Vergoz peut-il coiffer tout le monde sur le poteau ?

Réponse dimanche soir.