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Don de moelle osseuse : Après quatre cancers, Alice veut prouver que la solidarité fait des miracles

Ce 17 septembre est la journée mondiale du don de moelle osseuse. L’occasion pour l’association Réunion Moelle Espoir de faire de la prévention autour du don de ce tissu capable de guérir de la leucémie. Une sensibilisation importante puisqu’il ne s’agit en réalité que d’un don de sang. Afin d’inciter les Réunionnais à franchir le pas de ce petit geste salvateur, Alice, 28 ans, a décidé de revenir sur son incroyable histoire qui l’a vue affronter 4 cancers et tous les vaincre.

La langue française manque parfois de mot pour exprimer ce que l’on ressent. Apprendre que son enfant est condamné, découvrir qu’on l’on est gravement malade à nouveau ou en encore la sensation d’apprendre que l’on est enfin guéri sont des sentiments que ne pourront jamais réellement décrire avec des mots ceux qui l’ont vécu. Et pourtant, Alice a vécu toutes ces « péripéties » et souhaite à présent les raconter afin d’éviter que d’autres les vivent.

Une jeunesse cauchemardesque

C’est en 1999, alors qu’elle n’a que 4 ans, que le calvaire d’Alice et de sa famille commence. Elle fait sa première leucémie qui est traitée grâce à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Comme l’explique Marie-Andrée, la mère d’Alice, « les enfants sont beaucoup plus courageux que les adultes ». La mère raconte à sa fille que la chimiothérapie est « du sirop de grenadine » que la petite réclame aux médecins tous les jours. Après un an de traitement, elle est en rémission.

Âgée de 4 ans, Alice a réussi à vaincre sa première leucémie. Comme de nombreux enfants malades, elle a montré un courage exceptionnel et n’a jamais perdu sa joie de vivre.

Malheureusement, les difficultés ne sont pas terminées, loin de là. En 2001, alors qu’elle a 6 ans, la Rivièroise fait une forme de cancer des os. Elle est envoyée dans l’Hexagone, où les médecins vont expliquer à Marie-Andrée que sa fille n’a plus que 3 mois à vivre et qu’elles feraient mieux de rentrer toutes les deux à La Réunion pour la fin. En effet, Alice ne possède alors que 14 kg d’os et n’a pas pratiquement plus de sang dans les veines.

Et c’est pourtant là que le miracle se produit. « Du jour au lendemain, je me suis remise debout. Je pense qu’en plus de ma famille, c’est grâce à une petite tortue que mon institutrice m’avait donnée que j’ai trouvé le courage. Ça m’a boosté », explique-t-elle. Alice s’en sort, mais les séquelles sont importantes (jambes plus courtes, rein gauche atrophié, scoliose, problème au pied). Finalement, en 2002, ce cancer est vaincu sans explications.

Durant 12 ans, Alice va pouvoir vivre une vie normale, mais en 2014, le cauchemar reprend. « On pensait que je faisais une rechute de ma première leucémie (type B), mais en fait, c’était une deuxième (type T). C’est là que l’on m’a proposé la greffe de moelle osseuse, mais j’ai refusé, car je ne voulais pas partir en métropole loin de ma famille », indique celle qui a alors 19 ans. Finalement, un traitement à base de chimiothérapie durant 3 ans la sauve à nouveau.

De l’abandon à la victoire

Mais le répit sera de courte durée. L’année suivante, Alice remarque qu’elle a des hématomes sur les jambes. Sa mère comprend tout de suite puisqu’il s’agit du même symptôme que lorsqu’elle avait 4 ans. Les analyses de sang ne laissent plus de place aux doutes : c’est une rechute de sa deuxième leucémie.

« Là, c’était le coup de massue, je ne pouvais pas accepter. J’ai fait un blocage. J’ai dit : « non, je ne fais pas le traitement, j’arrête là ! » C’était trop. Perdre mes cheveux, les complications, je ne voulais pas recommencer », s’émeut Alice. « Mais pour ma mère, ma sœur et ma famille, j’ai finalement accepté de faire le traitement ».

Si finalement la jeune femme accepte la greffe, il reste le problème principal : trouver un donneur. Son père et sa sœur ne sont compatibles qu’à 50 %, mais surtout, les très nombreuses transfusions sanguines qu’elle a reçu depuis son enfance font qu’elle a développé des anticorps contre leur sang.

Arrivée à l’hôpital Saint-Louis à Paris, Alice passe de 50 à 30 kilos. « C’est mon petit gabarit qui m’a sauvé, vu mon petit poids et ma petite taille, ils ont sélectionné le sang du cordon ombilical de deux petites filles », explique-t-elle. Mais pourtant, Alice ne veut toujours pas faire la greffe et c’est sa mère qui lui force la main en se rendant à ses côtés.

Le 21 novembre 2018, c’est le Jour J. Alice reçoit la greffe des deux poches. Exceptionnellement, Marie-Andrée a le droit d’être dans la chambre avec sa fille. « Lorsque j’ai vu les premières gouttes de sang descendre de la poche, j’ai compris qu’elle allait vivre », raconte avec émotion la mère de famille.

Malgré quelques difficultés, la greffe prend. Mais pour pouvoir sortir de l’hôpital, Alice doit surtout reprendre du poids. « Si la seule solution pour sortir est de prendre du poids, alors attendez : je vais prendre du poids. J’allais manger tous les jours des mines et du riz cantonais au resto chinois en face de l’hôpital et je me gavais de bonbons salés, même si je n’avais pas le droit en raison du régime spécial que je devais suivre », s’amuse-t-elle aujourd’hui.

Le droit de vivre tout simplement

Finalement, Alice peut sortir de l’hôpital et rentrer à La Réunion en 2019. Son excitation est indescriptible lorsqu’elle voit les côtes de l’île apparaître par le hublot. « Je suis chez moi. C’était le bonheur », après neuf mois passé dans l’Hexagone.

Depuis, la jeune femme n’a pas fait de rechute, même si l’ensemble de ses maladies et des traitements lui ont laissé des séquelles. Mais malgré cela, Alice rayonne de bonheur et veut surtout profiter de la vie. « Je vis au jour le jour. Dès que je peux me faire plaisir, je le fais dès que possible et ne remet pas à plus tard.« 

Très engagée au sein des associations Réunion Moelle Espoir et Hema Réunion, la jeune femme veut parler du don de moelle osseuse. À La Réunion, seulement 5000 personnes environ sont enregistrées comme potentiels donneurs. Selon les probabilités, un malade à une chance sur un million de trouver un donneur compatible. Une difficulté accentuée dans l’île en raison des différents métissages.

C’est pourquoi Alice appelle les Réunionnais entre 18 et 35 ans à se faire enregistrer en tant que donneurs potentiels, sachant que la probabilité est faible de se faire appeler pour donner sa moelle osseuse. Et si tel était le cas, la miraculée rappelle que « l’opération » ne sera pas compliquée : « En fait, c’est comme une prise de sang plus lente, car l’appareil filtre le sang prélevé pour séparer la moelle osseuse du reste du sang. Vous restez 4 h allongé à regarder une série Netflix et vous avez sauvé une vie ». 

Bref, pas besoin de prendre de risques pour être un héros et permettre à d’autres comme Alice d’avoir deux dates à célébrer dans l’année : celle de sa naissance et celle de sa renaissance.