Listen to the article
Avec son livre La Dette sociale de la France. 1974-2024 (éd. Odile Jacob, 544 pages, 28,90 euros) Nicolas Dufourcq, le patron de la Banque publique d’investissement (BPI), installe dans le débat public l’idée selon laquelle « sur les 3 500 milliards d’euros [de dette publique] d’aujourd’hui, 2 000 milliards (…) sont des prestations sociales versées depuis quarante ans à crédit ». Jusqu’alors, cette estimation est prise pour argent comptant, sans contradiction, lors des nombreuses interventions médiatiques de l’auteur, y compris dans Le Monde. Infondée, elle détourne notre attention des causes réelles du problème de financement du modèle social français.
Son ouvrage a pourtant un double intérêt. A l’historien, il offre un regard documenté sur le demi-siècle de vie politique qui s’est écoulé, enrichi de témoignages d’acteurs. Au citoyen, il soumet une question légitime : quelle part de la dette publique peut-on attribuer à l’augmentation des dépenses sociales non financées par les prélèvements obligatoires ?
Cependant, sa méthodologie se révèle hasardeuse : les dépenses publiques, depuis les années 1980, se sont élevées à 38 000 milliards d’euros ; 58 % (22 200 milliards) sont des dépenses sociales ; donc 58 % des 3 500 milliards de dette sont une « dette de prestations ». Première erreur : tout économiste sait que les dépenses sociales et les dépenses publiques totales ne peuvent pas être additionnées sans être ajustées de l’inflation. Or, selon l’Insee, 1 euro de 2024 a le même pouvoir d’achat qu’aurait eu… 0,31 euro de 1980 !
Manipulation de la tuyauterie budgétaire
Deuxième erreur : imputer automatiquement les 58 % au stock de la dette publique actuelle. Assimiler la part des dépenses sociales dans les dépenses publiques à la part de la supposée « dette sociale » dans la dette totale revient à admettre que la même proportion des dépenses sociales et de l’ensemble des dépenses publiques est financée à crédit. Or, les dépenses sociales ont en majorité des recettes propres (cotisations sociales, CSG, CRDS, TVA). Enfin, les dépenses sociales soutiennent la consommation, la cohésion sociale, participent à la croissance et génèrent un surplus fiscal qui limite le recours à l’endettement. On ne peut pas, par conséquent, estimer les pertes sans retrancher les gains.
Il vous reste 64.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.










10 commentaires
Les dépenses sociales non financées posent question, mais il faut aussi regarder du côté des investissements publics qui rapportent peu.
Peut-être, mais les dépenses sociales sont quand même un poste majeur.
La dette sociale est un sujet complexe, et cet ouvrage apporte une perspective historique utile pour comprendre son évolution.
Oui, même si les solutions concrètes manquent encore.
Une analyse pertinente, mais la méthodologie utilisée pour arriver à ces chiffres reste floue. Comment peut-on conclure sans données précises ?
C’est vrai, et cela jette le doute sur toute la démonstration.
L’auteur semble oublier que la dette sociale est le résultat de choix politiques. Réduire les impôts tout en augmentant les dépenses est un calcul risqué.
Tout à fait, mais les citoyens ont aussi leur part de responsabilité en élisant les gouvernements.
Intéressant de voir comment la dette sociale est présentée comme un problème majeur. Cela montre à quel point la transparence des comptes publics est essentielle.
Effectivement, mais il faut aussi se demander si les estimations avancées sont vraiment fiables.